Carte d'identité
En 2021, la ville de Dunkerque a entériné un programme volontariste d’amélioration énergétique et de promotion des énergies renouvelables sur son patrimoine, en s’inscrivant dans la mise en application du « décret tertiaire » entré en vigueur le 1er octobre 2019. Concrètement, ce décret impose un objectif global de 40 % d’économies tous usages confondus et toutes énergies confondues pour 2030 et 60% en 2050 sur l’ensemble des bâtiments tertiaires dont la superficie est supérieure à 1 000 m2*. Ce qui est le cas du Château Coquelle, bel hôtel particulier d’inspiration basco-bizantine datant du tout début du XX e siècle, aujourd’hui centre culturel, dont la surface totale est de 1 600 m2.
AUDIT DU POTENTIEL ENR DES BÂTIMENTS COMMUNAUX
«Tout a commencé en 2019 par un audit du potentiel EnR des 42 bâtiments les plus énergivores de la ville de Dunkerque, restitue Gwendal Floch, gestionnaire technique bâtiment au sein de la direction des bâtiments mutualisés de la Communauté urbaine de Dunkerque. Nous avions missionné le bureau d’études Ferest Énergies afin d’analyser le potentiel EnR de ces 42 sites. Toutes les solutions techniques envisageables ont été passées en revue : panneaux photovoltaïques pour la production d’électricité, en revente comme en autoconsommation, solaire thermique pour la production d’eau chaude sanitaire (ECS), biomasse, ainsi que la géothermie sur nappes phréatiques et sur sondes, potentiellement associée à l’énergie gaz ou biométhane. »
L’audit a révélé que certains sites se prêtaient à l’application d’une solution hybride géothermie-gaz. « Ceux qui sortaient du lot laissaient entrevoir un temps de retour sur investissement de moins de 25 ans », complète Gwendal Floch. La mairie de Malo-les-Bains, (station balnéaire de Dunkerque), le tennis club de Malo (qui fera l’objet d’une solution 100 % en géothermie) et le Château Coquelle étaient de ceux-là.
Cette majestueuse bâtisse en R+3 a une emprise au sol somme toute relativement modeste. Un critère qui a son importance dans tout projet mettant en jeu la géothermie « En effet, un bâtiment avec une emprise forte réduit d’autant la surface disponible pour le champ de sondes, a fortiori quand le bâtiment est particulièrement énergivore (du fait du nombre de sondes à consentir). Pour le Château Coquelle, les besoins thermiques sont assez significatifs : 254 kWh/m2.an sur la base des trois dernières années, 245 kWh/m2.an selon la STD. Cela implique de mettre en place un champ de sondes et nécessite donc une importante emprise foncière. Le coût est à l’avenant, indique le maître d’ouvrage. En secteur urbain par exemple, un tel projet serait quasiment inenvisageable. »
DES SONDES VERTICALES POUR UNE EMPRISE RÉDUITE
Au vu des études de faisabilité effectuées par Égée Développement (pour la partie hydrogéologie) et CDC Conseil (pour la réalisation des audits énergétiques), la ville de Dunkerque a entériné le principe d’une solution mixte géothermie-gaz, comprenant une pompe à chaleur sur sondes verticales et une chaudière THPE. Ces études ont été financées en grande partie par l’ADEME.
Le Château Coquelle est entouré d’un parc à l’anglaise de plus de 4 ha, avec cascades, bassins et arboretum, ouvert au public. L’emprise dévolue aux espaces paysagers (réseaux racinaires des arbres) devait donc être respectée et la zone d’implantation des capteurs géothermiques ne pouvait de ce fait excéder les 300 m2. Le coût élevé des sondes entrait également en ligne de compte. « Dans nos différents projets, nous nous efforçons de préserver l’état d’origine du paysage, indique Corentin Moreau, hydrogéologue au sein du bureau d’études Égée Développement. Dans un premier temps, nous avions modélisé un agencement en ligne de cinq sondes verticales de 200 mètres linéaires (ml) de profondeur. Nous avons finalement opté pour un champ de huit sondes de 125 ml – plus la sonde test initiale, de 200 m de profondeur – positionné en arc de cercle autour du bâtiment, avec un espacement entre les sondes de 10 m. » De la sorte, chaque sonde tire le meilleur parti des calories disponibles dans son environnement immédiat.
À LA RECHERCHE DU MEILLEUR COMPROMIS TECHNICO-ÉCONOMIQUE
Restaient à fixer les taux de couverture respectifs des deux générateurs (PAC et chaudière gaz à condensation). À ce stade, CDC Conseil, bureau d’études thermiques, a formulé deux scénarios possibles, en tenant compte de l’évaluation des besoins thermiques du centre culturel. Le premier prévoyait un taux de couverture par la géothermie de 95% des besoins (avec néanmoins une part de gaz prévue en appoint-secours). Mais au vu des déperditions thermiques du bâtiment (calculées sur la base de la simulation thermique dynamique réalisée par CDC Conseil) et en l’absence de travaux d’amélioration thermique du bâti, CDC Conseil a formulé un second scénario. Celui-ci tablait sur un taux de couverture par la géothermie de 55% des besoins et un appoint en gaz de 45%. « Ces deux propositions ont été soumises conjointement à la maîtrise d’ouvrage, détaille Julien Barbe, responsable de l’agence Hauts-de-France de CDC Conseil. Le premier scénario impliquait un investissement initial plus important mais aussi un taux de couverture par les EnR plus élevé et donc plus d’économies d’énergie. Il impliquait également un montant de charges supérieur et un temps de retour sur investissement plus long, soit 20 ans, contre 17 ans pour le second scénario – en prenant en compte dans les deux cas les aides de L’ADEME et de la région Hauts-de-France. »
Ces deux scénarios servaient un même objectif : assurer une température intérieure de 19 °C par – 9 °C de température extérieure (température de référence pour dimensionner une chaufferie en région Hauts-de-France). La ville a finalement retenu le second scénario proposé par CDC Conseil, en privilégiant un temps de retour sur investissement plus court. « Cette solution hybride – reposant sur un taux de couverture géothermique de 55% – permet d’ores et déjà de répondre aux besoins thermiques du bâtiment par – 9 °C extérieurs, malgré les importantes déperditions du bâtiment, tout en réduisant ses charges de fonctionnement, souligne Julien Barbe. Si la ville décide à l’avenir d’entreprendre des travaux de rénovation thermique sur le château, le taux de couverture de la PAC se verra mécaniquement augmenté."
UNE SOLUTION HYBRIDE GAZ + GÉOTHERMIE
Pour se conformer à un tel niveau de performance, la PAC, dont le coefficient de performance nominal (COP) annoncé est de 4, doit fonctionner dans des conditions optimales. D’où l’intérêt de lui adjoindre un générateur d’appoint dès que les conditions climatiques et la demande en énergie la font sortir de sa plage de fonctionnement nominal. Priorité est donc donnée à la PAC (25 kW), afin de maximiser son taux de couverture. Si sa production ne suffit pas à garantir la température de consigne au sein du bâtiment, la chaudière gaz à condensation (180 kW) génère l’appoint d’énergie nécessaire. « Si d’aventure la température de retour est supérieure à 55 °C, la PAC est mise à l’arrêt et la chaudière prend le relais », ajoute Julien Barbe.
Une régulation centrale, auxquelles sont connectées les régulations respectives de la PAC et de la chaudière, assure la bonne coordination des deux générateurs. « Un module déporté pilote les deux générateurs et gère une vanne trois-voies qui, selon les cas, assure la distribution de l’eau en sortie de PAC directement vers les radiateurs, ou la dérive au préalable vers la chaudière lorsqu’un appoint est nécessaire », ajoute Hugo Syx, chargé d’affaires chez CDC Conseil. Cette régulation centrale est asservie à une sonde de température extérieure positionnée en entrée de chaufferie, elle-même située en semi sous-sol. La régulation permet également à l’entreprise chargée de l’exploitation de la chaufferie d’avoir un visuel à distance sur les paramètres de fonctionnement de l’installation.
La quasi-totalité des travaux auront concerné la rénovation de la chaufferie. Les trois circuits de distribution du chauffage ont été conservés, de même que les émetteurs, ici des radiateurs en fonte. Toutefois, la totalité du circuit de distribution a été rincée et désembouée. À noter enfin que la nouvelle chaufferie – au même titre que l’ancienne d’ailleurs – est exclusivement dévolue à la production de chauffage ; s’agissant d’un bâtiment tertiaire, les besoins en ECS sont bien moins élevés que dans le cas d’un bâtiment d’habitation.
- Le Château Coquelle a fait l’objet de travaux de rénovation de sa chaufferie (qui abritait auparavant deux chaudières gaz au sol de 100 kW chacune), dans le cadre de l’application du décret tertiaire.
- Au même titre que deux autres sites municipaux, le Château Coquelle s’est avéré éligible à une solution en géothermie.
- Les études de faisabilité et les simulations thermiques dynamiques ont conduit à une solution comprenant une PAC électrique géothermique de 25 kW sur huit forages de 125 ml, associée à une chaudière gaz à condensation de 180 kW, assurant l’appoint et le secours.
- L’énergie produite par la nouvelle chaudière est exclusivement dédiée à la production de chauffage.