Carte d'identité
- Solution retenue :
- PAC Hybride
Située à Trets (Bouches-du-Rhône), la résidence Veyrier construite il y a huit ans se compose de quarante-neuf logements locatifs sociaux. Régis par la RT 2012, ces logements bénéficiaient dès l'origine d'un système de chauffage bi-énergie, associant gaz naturel et solaire thermique. Mais après quatre ans à peine d'exploitation, une erreur d’exploitation a rendu inutilisable plus de la moitié des 70 m2 panneaux solaires installés. « Jusqu’à cet incident de 2018, l’installation fonctionnait très bien, précise Virgile Delvas, Responsable Maintenance chez Logirem, bailleur social dont le patrimoine s’élève à quelque 22 000 logements, en régions PACA et Corse. Le solaire thermique est une filière intéressante. Dans notre région, des difficultés peuvent être rencontrées sur ce type d'installation. Elles peuvent notamment être imputables à des erreurs de conception, de surdimensionnement, à des problèmes de mise en œuvre, ou encore des erreurs d’exploitation, faute d'’une maîtrise suffisante de ce type d'installation. » Résultat des courses, c'est la chaudière gaz – qui avait été dimensionnée à dessein - qui assure depuis 100 % des besoins en chauffage et en ECS. Mais l'affaire n'allait pas en rester là...
Une chaufferie hybride à instrumenter
Début 2021, Virgile Delvas reçoit un appel téléphonique. Au bout du fil, Arnaud Sarzacq, fondateur et gérant du bureau d'études Solarseyne. Ce dernier est à la recherche d'un site afin d'y instrumenter un système hybride faisant fonctionner en parallèle une pompe à chaleur (PAC) et une chaudière. « J'avais été le maître d’œuvre de cette résidence en 2012. Le site était parfait pour cette expérimentation, notamment parce qu'il fonctionnait désormais à 100 % au gaz depuis l’incident de 2018 », commente Arnaud Sarzacq. La réponse de Logirem ne se fait pas attendre. « Vu la situation dans la résidence et le coût de réparation à concéder, nous avons rapidement dit oui à ce projet », affirme Virgile Delvas. En effet, le devis pour l'équipement complet de la résidence, à savoir l'installation des PAC (la chaudière d'origine étant conservée) et des instruments de monitoring, s'élevait à quelque 20 000 € HT (intégralement à la charge de Logirem) contre 38 000€ HT pour la remis en état de l'installation solaire !
Des PAC en remplacement du solaire thermique
La nouvelle installation en passe d'être testée se compose donc de deux PAC (12 et 15 kW), associées chacune à la chaudière existante (170 kW). Les PAC ont été volontairement sous-dimensionnées D'abord pour des raisons pratiques : des PAC de petite puissance permettent au maître d'ouvrage de conserver un abonnement électrique en monophasé. Ensuite parce qu'il a été jugé préférable d'opter pour deux petites PAC en cascade plutôt qu'une seule de 24 kW, ce qui permet d’étendre la plage de fonctionnement à basse charge. La chaudière d'origine (170 kW, dimensionnée pour assurer le service complet) a été conservée.
Autre vestige de l'installation initiale, et non des moindres : le ballon de stockage. En l’occurrence, un ballon de système solaire combiné (SSC), initialement prévu pour valoriser l'énergie tirée des panneaux solaires thermiques. Selon Arnaud Sarzacq, la présence de ce ballon multivalent (ie. capable d'être alimenté par plusieurs systèmes de production d'énergie) a été déterminante. « Ce type de ballon permet de valoriser autant d'énergies que l'on souhaite, tout en offrant un stockage avec une stratification naturelle. En définitive, nous avions à disposition une solution prête à être "upgradée" : il n'y avait qu'à remplacer les capteurs solaires par les PAC. » Et accessoirement, de paramétrer l'automate pour le faire fonctionner avec des pompes à chaleur et non avec un système solaire combiné.
Un taux de couverture des PAC élevé
Avec neuf mois de recul, on peut dire que les résultats s'avèrent probants, bien plus que les simulations qu’Arnaud Sarzacq avait effectuées préalablement via un logiciel dédié. Toutes les parties prenantes du projet sont unanimes : le comportement des PAC a été plus que satisfaisant, affichant des coefficients de performance (Cop) moyens autour de 2,5. À tel point que le fonctionnement de la chaudière gaz peut se limiter aux périodes les plus fraîches, soit de janvier à mi-mars 2023 (voir figure 1).
Les PAC fonctionnent, quant à elles, en base. « Le réseau de distribution dans la résidence Veyrier est très important, ce qui implique de compenser des pertes élevées, souligne Arnaud Sarzacq. Pourtant, si on fait la somme de la production des PAC et de la chaudière, on obtient un résultat quasiment équivalent à la quantité d'énergie soutirée en sortie du ballon, ce qui signifie qu'il y a très peu de pertes. » Tout au long de la campagne de mesures, le taux de couverture des PAC s'est révélé très important, de l'ordre de 70 % - et d’autant plus que la température extérieure est élevée, comme le montre la figure 2 : à compter de mi-avril, la chaudière est quasiment à l'arrêt – y compris pour la production d’ECS.
Autre motif de satisfaction pour les parties prenantes : le niveau moyen de performance des PAC. Le Cop moyen journalier des PAC est relativement stable, s’affichant autour de 2,5. Les Cop peuvent même tutoyer la valeur de 3 en abaissant la température de consigne en sortie de 70 °C à 60 °C. En outre, elles ne dépassent que très occasionnellement la valeur de 3 (ce fut le cas en janvier 2023, cf. figure 3).
Un constat qui n’étonne pas Vincent Lallemand : « Les Cop peuvent ponctuellement passer au-dessus de 3 en journée, mais on ne peut pas obtenir des Cop moyens supérieurs à 3 dans des conditions réelles, uniquement à des points de fonctionnement théoriques (par +7 °C de température extérieure pour une température en sortie de PAC de + 45 °C). » « On constate d'ailleurs que les PAC y parviennent mais dès qu'il fait trop froid, les Cop plongent, complète Arnaud Sarzacq. Cela correspond aux périodes où les PAC se mettent en mode dégivrage. » Les PAC se montrent également très performantes en été, alors qu'elles sont en mode « simple service » (production d'ECS seule) : là encore, une baisse de la température de consigne à 60 °C améliore sensiblement les Cop (figure 4).
Si l'on s'en réfère aux relevés effectués début juin 2023, il semblerait même que la puissance installée en PAC s'avère trop élevée au regard des besoins (ECS seule). Les courbes de puissance dénotent un fonctionnement des PAC en cycles courts, pour un taux de fonctionnement global de 50 %. Dès lors, il serait envisageable de réduire encore le dimensionnement des PAC. Un point qui renvoie aux arbitrages technico-économiques de la maîtrise d'ouvrage : « C'est très bien de pouvoir décarboner notre mix énergétique, mais il faut également ne pas perdre de vue le pouvoir d'achat de nos locataires, qu'il faut ménager, rappelle Virgile Delvas. En cela, cette expérimentation s'avère instructive. Je suis même agréablement surpris par le niveau moyen de performance des PAC ainsi que par leur taux de couverture, qui avoisine les 70 % alors qu'elles ne représentent 35 % de la puissance installée. »
• Logirem – maître d’ouvrage
« En phase avec la politique RSE* de Logirem, qui recèle un enjeu écologique et sociétal fort, cette expérience s'inscrit dans notre volonté de réduire notre impact carbone. En tant que responsable maintenance de Logirem, je gère une centaine de chaufferies. Il sera intéressant de voir si ce type d'opération peut être réplicable sur une grande partie de notre parc », estime Virgile Delvas.
• Solarseyne – bureau d'études promoteur de la mixité énergétique
« J'ai la conviction qu'on ne peut plus faire fonctionner nos chaufferies à 100 % à l'aide d’une seule technologie. J'envisage désormais une chaufferie comme une voiture hybride, embarquant une petite puissance électrique et une grosse puissance thermique », estime Arnaud Sarzacq.
• Cegibat, enfin, car l'enjeu au plan réglementaire est de taille dans les années à venir
« Les réglementations en neuf (à travers la RE 2020) et en rénovation (via le Diagnostic de Performance Énergétique) sont en train de converger, constate Vincent Lallemand, Responsable efficacité énergétique habitat, Cegibat. L'hybridation s'avère indispensable pour que les bâtiments existants obtiennent de bonnes étiquettes énergie. » Et, accessoirement, que l'énergie gaz continue à tirer son épingle du jeu, eu égard à la dimension « contenu carbone », de plus en plus prégnante dans les réglementations (en neuf comme en existant).
* Responsabilité sociale et environnementale
Arnaud Sarzacq
gérant du BE Solarseyne
Virgile Delvas
Responsable technique et patrimoine, Logirem