Décret tertiaire : optimiser ses installations pour atteindre l’objectif 2030

Dossier technique

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Pierre MURIE

Pierre MURIE

Responsable efficacité énergétique - GRDF CEGIBAT

Les objectifs du décret tertiaire sont ambitieux, et il existe un bon nombre de pistes pour contribuer à les atteindre (à moindre coût). Une étude menée avec le COSTIC montre qu’il est possible de viser l’atteinte de l’objectif 2030 en travaillant sur les installations existantes. Une remise en cause de l’ordre établi, corroborée par l’étude de quatre typologies de bâtiments tertiaires.

— Le décret tertiaire est un marathon de la rénovation. Issu de la loi Élan, il fixe des ambitions d’économies d’énergie finale jusqu’en 2050. Après avoir passé les premières étapes administratives dans la plateforme Operat de l’ADEME, les assujettis doivent dorénavant réfléchir au plan d’action pour atteindre le premier objectif d’au moins – 40% de consommation finale en 2030. Lorsque les scénarios d’un audit sont étudiés, il est souvent conseillé de rénover le bâtiment dans un ordre logique d’efficacité énergétique : travailler le bâti dans un premier temps, puis dimensionner les systèmes énergétiques pour exploiter avec efficacité les équipements et, enfin, adapter les locaux à un usage économe en énergie en agissant sur le comportement des occupants.

Priorité à l’optimisation des pratiques

Le contexte énergétique et économique actuel peut freiner (ou décourager) les stratégies de rénovation pour des raisons de coûts d’exploitation de capacité d’investissement, associés à des contraintes techniques et/ou de temps. Ainsi, aujourd’hui, la méthodologie pourrait être revue, afin de prioriser l’adaptation des locaux, le comportement des occupants ainsi que l’exploitation des équipements.

L’étude du Costic porte sur quatre types de bâtiment : une école primaire, un lycée et deux bâtiments de bureaux. Elle évalue les consommations poste par poste avant et après la mise en place d’actions d’optimisation des usages. Ainsi sur les usages de chauffage, de climatisation, d’éclairage, de ventilation et de bureautique, les actions menées sont réalisées par des écogestes d’un occupant d’un local (ex. : action sur un robinet thermostatique) ou par l’optimisation du réglage des équipements (régulation à l’échelle du bâtiment). Cette étude permet d’évaluer le potentiel d’économies d’énergie pouvant être obtenu par la mise en œuvre prioritaire d’actions d’optimisation des pratiques des occupants.

Lycee Rabelais Saint-Brieuc
Lycee Rabelais Saint-Brieuc

Analyse d’un lycée construit dans les années 1970 de 5900 m2

Avant de mener ces actions, il faut analyser le comportement et les usages du bâtiment.

Occupation maximale Temps maximal d’occupation sur l’année en % Temps de fonctionnement du chauffage au ralenti en %
7h30 à 18h30 (hors cuisine et internat) 5 jours/semaine, en dehors des 19 semaines de vacances scolaires et jours fériés et des 9 semaines de fermeture pour les bureaux 21% sur la partie enseignement 65% les week-ends, les jours de fermeture (19 jours) et de 18h30 à 5h30, du lundi au vendredi
27% sur la partie administration

 

Les temps d’inoccupation en enseignement sont très importants et se traduisent par un temps de fonctionnement du chauffage au ralenti de 65% par rapport à l’état initial. Ces périodes d’inoccupation représentent un levier important pour réduire les consommations sur tous les usages, et donc de fait un gisement d’économies non négligeables.

Optimiser les consommations de chauffage en misant sur l’inoccupation des locaux

Seuls les résultats sur les consommations de chauffage sont présentés dans l’article, mais l’étude porte également sur les autres usages des bâtiments. Dans le scénario de base du lycée, les températures de confort des locaux sont différentes (19 °C, 20 °C, 21 °C et 22 °C). Des ralentis les nuits, week-ends et jours fériés, hors vacances, de – 3 K (– 3 °C) sont appliqués, passant à – 6 K pendant la fermeture des locaux administratifs (19 jours).

SCÉNARIO DE BASE :

- Température de confort (de 6 h 00 à 19 h 00)

  • Classes, bureaux, chambres internat : 1/6 à 22 °C, 1/3 à 21 °C et 1/3 à 20 °C, 1/6 à 19 °C.
  • Infirmerie, cuisine, salle des enseignants, salle d’études, CDI, salle de détente : 21 °C.
  • Autres locaux (couloirs, hall,…) : 20 °C.

- Ralenti nuit, week-end et jours fériés, hors vacances : – 3 K.

- Fermeture administration (19 jours seulement) : – 6 K.

SCÉNARIO 1 :
réduction de – 1 K la température de consigne de la majorité des locaux. Les gains sont immédiats avec – 8% sur les consommations de chauffage et – 6% sur les consommations totales du bâtiment.

SCÉNARIO 2 :
mêmes actions qu’au scénario 1 avec un réduit de – 11 K durant la fermeture des locaux administratifs au lieu de – 6 K. Les gains observés sont de – 13% sur les consommations de chauffage et – 9% sur les consommations totales du bâtiment.

SCÉNARIO 3 :
on ajoute au scénario 1 un réduit de – 6 K dans les locaux administratifs, que l’on étend au reste du bâtiment pendant les vacances scolaires (66 jours). Les consommations de chauffage baissent alors de – 20% et les consommations totales sur le bâtiment de – 14%.

SCÉNARIO 4 :
basé sur le scénario 3, mais avec un réduit de – 11 K au lieu de – 6 K sur les mêmes locaux et périodes. Ainsi les gains sont de – 32% sur les consommations de chauffage et – 22% sur les consommations totales du bâtiment.

Quel que soit le scénario, le confort des occupants n’est pas impacté par ces modifications de température de consignes. De manière générale, dans ces bâtiments peu occupés, un levier très important d’actions consiste à limiter le plus possible les consommations durant les périodes d’inoccupation. Il génère des économies notables sans influer sur le confort des usagers.

Enfin, avec un scénario complet d’optimisation de tous les usages, on obtient une réduction des consommations en énergie finale de – 34% dans le cas du lycée.

Analyser l’existant pour optimiser les performance

L’inoccupation des locaux représentent 15% à 40% du temps sur l’année, en moyenne, selon les bâtiments étudiés. Cela semble évident pour les établissements scolaires, mais, même les bureaux sont, eux aussi, ponctuellement inoccupés à cause des déplacements, du télétravail, des congés, etc. Or, abaisser de 1 °C les températures ambiantes d’un local conduit à une diminution de l’ordre de 10% des consommations du local.

Cet exemple montre qu’avec des actions sur les installations et les équipements existants, il est possible de réaliser de belles économies d’énergie sans investir beaucoup d’argent. Ces actions, à temps de retour rapides, permettent de faciliter l’atteinte du premier objectif du décret tertiaire à moindre coût. Elles sont également la preuve que s’appuyer sur les installations existantes et les optimiser est un choix pertinent, limitant le surinvestissement lié au renouvellement des systèmes, et soutenant la sobriété énergétique.

Une fois cette étape réalisée, il sera judicieux d’analyser les équipements existants afin d’améliorer leurs performances. La production, la régulation, la distribution et la qualité de l’eau sont des éléments à optimiser, afin d’avoir de meilleurs rendements sur les installations.

Ainsi, des actions comme les réglages des brûleurs, des débits gaz, des débits de combustion, des consignes chaudières, des consignes chauffage et eau chaude sanitaire, des débits et loi d’eau font partie d’un groupe d’actions qui permettent d’atteindre à moindre coût le premier objectif du décret tertiaire.

Comment optimiser les pratiques et impliquer les usagers?

Que ce soit dans les établissements scolaires ou les bureaux, il faut faire accepter ces changements aux occupants des bâtiments. Les attentes de confort et les comportements individuels ou collectifs envers les équipements consommateurs sont le résultat d’un système sociotechnique complexe, où de multiples facteurs interagissent. Les pratiques des usagers, leurs attentes et leurs critères de confort peuvent être très différents. Ce confort, qu’il soit thermique, acoustique, visuel ou olfactif est influencé par des codes sociaux, des dynamiques collectives et des rapports interpersonnels. Plusieurs approches ont été explorées pour optimiser les pratiques des usagers et impliquer l’ensemble des usagers. Parmi elles, certaines se sont avérées plus efficaces que d’autres.

• La sensibilisation par différents moyens, tels que les supports papier ou numériques montre ses limites, de même que l’affichage des données de consommation, qui ne génère souvent que des économies limitées.

• Les formations, animations et conseils personnalisés sont essentiels pour encourager des comportements écoresponsables, mais requièrent un suivi continu pour maintenir les changements de comportement.

• Les actions collectives, telles que les concours de sobriété énergétique, mobilisent efficacement les occupants. Les jeux éducatifs ont également du succès pour sensibiliser les usagers.

Cependant, les démarches globales, qui intègrent plusieurs de ces approches, s’avèrent être la méthode la plus efficace. Ces démarches, qui reposent sur l’effet du collectif, s’inscrivent dans la durée et s’adaptent à chaque contexte spécifique.

De plus, pour assurer le succès de ces initiatives, il est crucial d’impliquer les équipes chargées de l’entretien, de l’exploitation et de la maintenance des bâtiments. Leur collaboration étroite avec les occupants peut générer des économies énergétiques significatives.

Ma note :