Deux stratégies de rénovation pour répondre au décret tertiaire

Dossier technique

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Olivier  Broggi

Olivier Broggi

Responsable efficacité énergétique - GRDF CEGIBAT

Le décret tertiaire impose de réaliser des économies d’énergie de -40%, -50% et -60% aux horizons 2030, 2040 et 2050. Cf : Décret tertiaire : les grands principes | GRDF Cegibat

Devant faire face à cette obligation, décrivons 2 profils de maîtres d’ouvrage que nous pouvons rencontrer : le maître d’ouvrage contraint et le maître d’ouvrage opportuniste.

Contexte

Celui qui subit cette règlementation et va chercher à s’en sortir à moindre coût, c'est le maître d’ouvrage contraint. Il aura tendance à privilégier des solutions de modification des consignes, de paramétrage de sa régulation, puis des solutions de changement de générateur pour des PAC ou des PAC hybride, capables de réaliser de fortes économies d’énergie pour un coût minimum. Il devrait atteindre ainsi relativement facilement l’objectif 2030. Cependant, pour « passer » 2040 et 2050, il sera certainement obligé de mettre en œuvre des travaux sur le bâti (isolation ITI, ITE, de la toiture, changement des menuiseries, etc...). Ces travaux lourds lui permettront d’atteindre les seuils du décret mais en réalisant des économies moins importantes vu que le gisement d’économie d’énergie aura été « absorbé» dès l’étape une.

L’autre type de maître d’ouvrage serait celui qui voit ce décret comme une opportunité de valoriser son patrimoine. Ce maître d’ouvrage opportuniste aura donc tendance à travailler d’abord son enveloppe afin d’avoir un bâtiment qui consomme peu. Il réalisera en premier des travaux lourds donc coûteux (sur le bâti) pour atteindre les objectifs des années 2030 et 2040. Puis seulement à la fin, modifiera ses installations de production.

On pourrait symboliser les deux comportements de ces maîtres d’ouvrage par le graphique ci-dessous. La courbe représente les économies d’énergie (échelle de gauche), les barres les investissements cumulés (échelle de droite).

Exemple d'un immeuble de bureaux: les deux approches
Exemple d'un immeuble de bureaux: les deux approches

Exemple d’un immeuble de bureaux

Pour illustrer, nous prendrons l’exemple d’un immeuble de bureaux situé à Lyon et étudié en 2023 par le bureau d’étude E’nergys (ex H3C).

Ce bâtiment d’une surface de 1900 m² a été construit en 1999.

Ses consommations sont les suivantes:

Année de référence

Gaz

Electricité

Ratio surfacique tous usages

Objectif 2030

Objectif 2040

Objectif 2050

2017

173 MWh

128 MWh

158 kWh/m²

95 kWh/m²

79 kWh/m²

63 kWh/m²

 

Son empreinte carbone est de 47 463 kgCO2 par an.

Le découpage de ces consommations est le suivant :

  • Pour le gaz : 173 MWh de chauffage.

  • Pour l’électricité : 128 MWh dont la répartition des usages se décompose comme suit :

Les actions de rénovation envisagées par le maître d’ouvrage étaient les suivantes :

Action

Investissement €/m²

Economie (MWh)

Investissement (€/kWh économisé)

Economie (% kWh)

Economie de CO2 (kg)

Changement des menuiseries

75,79

34

4,24

11%

6900

Mise en place d'une ITE

48,42

27

3,41

9%

5500

Isolation de la toiture

26,32

6

8,33

2%

1300

Chaudière condensation

7,89

25

0,60

8%

5100

Modification des consignes de chauffage

0,26

43

0,01

14%

8700

Rénovation parc informatique

43,68

15

5,53

5%

900

Ventilation double flux

63,16

58

2,07

19%

12400

Sensibilisation des occupants

0,26

30

0,02

10%

4300

PV 20 m²

1,84

2,5

1,40

1%

200

PAC Electrique

68,42

126

1,03

42%

32400

PAC Hybride

17,37

109

0,30

36%

27400

 

Notons au passage que mise à part la modification des consignes de chauffage et la sensibilisation des occupants, la PAC Hybride donne le coût du kg de CO2 évité le plus faible.

La stratégie opportuniste

Dans une stratégie opportuniste les actions suivantes sont nécessaires pour atteindre les 95 kWh/m² (objectif 2030) :

Intitulé

Coût travaux

Remplacement des menuiseries

144 k€

Isolation des murs

92 k€

Mise en place d’une VMC double flux

120 k€

Modification des consignes de chauffage

0.5 k€

Sensibilisation des occupants

0.5 k€

Total

357 k€

Ratio d’investissement

188 €/m²

 

Travaux qui assurent 42% de gain par rapport à la situation de référence.

La rénovation du parc informatique (83 k€), la mise en place de quelques LED manquantes (2 k€) et l’installation des 20 m² de PV (3,5 k€) ont dû s’ajouter pour atteindre l’objectif 2040.

88,5 k€ de plus soit un investissement total de 445,5 k€ ou 234 €/m²

En dernier, changement de la chaudière à condensation pour 15 k€ de plus, soit 460 k€ (242 €/m²) en investissement cumulé.

 

La stratégie contrainte

Dans une stratégie contrainte, le maître d’ouvrage commencera par installer une PAC hybride et par sensibiliser les occupants : 33,5 k€ (18 €/m²) pour un gain de consommation de 42% aussi.

Pour atteindre le -50% il sera contraint d’ajouter des travaux sur le bâti, soit un total de 269 k€ (142 €/m²) au global (somme des actions 2030 et 2040)

Et les travaux suivants pour enfin atteindre l’objectif de 2050 :

Intitulé

Coût travaux

Mise en place d’une ventilation double flux

120 k€

Rénovation du parc informatique

83 k€

Total

203 k€

Ratio d’investissement

107 €/m²

 

Soit un total de 472 k€ (249 €/m²) en cumulé.

D’où le graphique suivant :

Comparatif des stratégies "contrainte" et "opportuniste"
Comparatif des stratégies "contrainte" et "opportuniste"

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