Suite à l’étude menée auprès de 35 bureaux d’études de l’association ICO montrant que pour une même chaufferie la puissance totale installée pouvait varier de 1 à 5, Cegibat a voulu mesurer l’impact de cette surpuissance sur le comportement des générateurs.
Cette nouvelle étude a été confiée au CETIAT (Centre Technique des Industries Aérauliques et Thermiques), en octobre 2018. Objectif : mesurer l’écart de performance et le comportement des chaudières entre une installation dimensionnée avec une puissance P, une autre avec une puissance de 2,5 P et une troisième avec une puissance installée de 5 P.
Paramètres de la simulation
Hypothèses
La simulation a été réalisée via le logiciel BOOST du CETIAT sur une saison de chauffe (182 jours), puis sur un an avec un pas de temps de 5 secondes.
Le modèle utilisé pour simuler la chaudière (modèle GUN Générateur UNiversel) permet de modéliser :
- La modulation en puissance du ou des générateur(s)
- Le rendement en fonction de la puissance et du régime d’eau
- Les pertes à l’arrêt
- L’inertie des chaudières
- Les consommations électriques des ventilateurs, circulateurs et en mode veille
Le bâtiment simulé est un immeuble RT 2012 de 90 logements. Les pertes thermiques sont caractérisées par un Ubat (W/m²K) et par un débit de ventilation. L’inertie liée aux éléments internes du bâtiment (cloison, mobillier, etc.) a été modélisée au travers d’une masse d’eau par appartement.
Le profil de puisage d’eau chaude sanitaire pris en compte est le suivant :
Bien que différent de celui paru dans le guide Ademe de juillet 2016 « Besoins d’eau chaude sanitaire en habitat individuel et collectif », faute de données 10 minutes, ce profil permet tout de même de comparer les résultats obtenus pour des chaudières dimensionnées à P ou plus.
Schéma hydraulique
Le schéma de principe de l’installation modélisée est le suivant :
A noter : prise en compte d’un réseau de distribution d’eau chaude sanitaire de 19 colonnes, pour un débit de bouclage de 1900 litres/heure, présence d’un mitigeur en chaufferie car le stockage est modélisé à 60°C alors que la distribution se fait à 55°C, 6,6kW pris en compte pour les pertes de bouclage.
La cascade entre les chaudières est modélisée par une division entre le besoin de chauffage à l’instant t et la puissance minimale d’une seule chaudière. Selon le résultat de ce calcul, le modèle décide du nombre de chaudière à mettre en route.
Configurations étudiées
Enfin les trois dimensionnements suivants ont été pris en compte, sachant que le besoin de chauffage par -10°C extérieur (zone H1C à Macon) est d’environ 200 kW.
Cas |
Puissance nominale |
Puissance max |
Puissance utile |
Nombre de chaudières |
Volume ballon (l) |
---|---|---|---|---|---|
P | 240 | 127 | 39 | 2 | 1500 |
2,5 P | 682 | 338 | 104 | 2 | 1500 |
5 P | 1125 | 415 | 127 | 3 | 1500 |
Résultats sur le rendement des installations
Les résultats de cette simulation montrent que la différence n’est pas sur le rendement des générateurs.
Rendement des chaudières en fonction du dimensionnement du chauffage et de l’ECS
La différence n’est en effet que de plus ou moins 1% avec un avantage au dimensionnement 2,5P.
Ce résultat s’explique par l’évolution du rendement des chaudières en fonction de la charge et du régime d’eau qui les traversent.
Rendement des chaudières en fonction du débit calorifique et du régime d’eau
- En effet, le rendement des chaudières à condensation est maximal lorsqu’elles fonctionnent à la puissance minimale en régime condensation. Le corps de chauffe ainsi que le condenseur sont dans ces conditions surdimensionnés, et la quasi-totalité de l’énergie sensible et latente des fumées est récupérée.
- A contrario, à des hautes températures d’eau, toute l’énergie des fumées ne peut pas être récupérée.
- Dans le cas des chaudières dimensionnées à P, elles auront tendance à fonctionner plus de temps au débit calorifique maximal et avec un rendement plus faible.
- Dans le cas des chaudières dimensionnées à 2,5 P, elles peuvent fonctionner à puissance minimale plus souvent et donc profiter d’un meilleur rendement tout en maîtrisant les pertes à l’arrêt.
- Dans le cas des chaudières dimensionnées à 5 P, elles fonctionnent à puissance minimale et donc au meilleur rendement mais les pertes à l’arrêt augmentent considérablement, dégradant donc le rendement saisonnier.
Résultats sur le nombre de cycles marche/arrêt des chaudières
La différence réside plus dans le nombre de cycles marche/arrêt des générateurs.
On constate un nombre de cycles marche/arrêt quasi cinq fois supérieur entre une installation dimensionnée à 5P par rapport à une installation dimensionnée à P (27 000 cycles pour 5P et 5900 pour P).
La différence n’est donc pas tant sur le rendement de l’installation (facture du client) mais plus sur l’usure du matériel qui sera beaucoup plus rapide avec un dimensionnement à 5P.
Sensibilité des résultats autour de 2,5 P
Une légère variation de puissance (variation de plus ou moins 10% autour de 2,5 P) confirme cette tendance et montre même que le nombre de cycles des chaudières est hypersensible à cette surpuissance. En effet, le nombre de cycles baisse de 7% avec une variation de la puissance de -10% mais augmente de 20% avec une variation de + 10%.
Sensibilité des résultats à l’inertie du bâtiment
Enfin, l’étude a permis de montrer que bien que l’inertie du bâtiment n’entraîne pas un changement du rendement de l’installation, elle joue un rôle important sur le nombre de cycles, notamment à la hausse si l’inertie du bâtiment est plus faible que celle prévue initialement. À noter que cette inertie correspond uniquement aux éléments internes du bâtiment (cloisons, immobilier) et pas aux matériaux de construction de l’enveloppe.
5000 cycles pour une inertie forte, contre 9000 cycles pour une inertie faible. Cette variation a été réalisé sur le dimensionnement à la puissance P. imaginez à la puissance 5xP…
Conclusion
Les résultats obtenus montrent qu’en général il n’y a pas une évolution négative ni positive des performances avec l’augmentation de la puissance des chaudières dans la plage des puissances étudiées.
Néanmoins, plusieurs observations peuvent être réalisées :
- Des chaudières dimensionnées à 5 P assurent le même niveau de confort de chauffage et d’ECS que des chaudières dimensionnées à P.
- Le nombre de cycles augmente de façon très important avec le dimensionnement des chaudières. Les chaudières ainsi que les organes de régulation risquent de s’user prématurément.
- L’investissement initial nécessaire pour installer des chaudières de plus grosse puissance (5P vs P) est bien plus important. Si, en plus, les éléments sont usés plus rapidement, des investissements pour le remplacement des équipements usés sont à prévoir. Les coûts de réparation et maintenance pourraient également augmenter.
- Ces observations sont d’autant plus importantes sur des bâtiments de plus faible inertie où des appels de chauffage plus fréquents amèneraient à l’augmentation du nombre de cycles marche/arrêt dans les cas surdimensionnés.
- Il ne faut pas non plus négliger d’autres facteurs comme la surface nécessaire pour installer des chaudières supplémentaires et de plus forte puissance.
Selon ces résultats et observations, il n’y a aucun avantage à installer des chaudières surdimensionnées. Au contraire, une installation de chauffage dimensionnée par rapport au pic de consommation (ECS ou chauffage à -10°C extérieur) permet de réduire le nombre de cycles marche/arrêt et donc de réaliser des économies sur le long terme.
La question à se poser est donc le surcoût d’installer des chaudières surdimensionnées (surcoûts d’investissement, de maintenance, de place nécessaire, de durée de vie) sachant qu’il n’y a aucune différence d’un point de vue des performances thermiques de l’installation.