Avec l’évolution des réglementations thermiques dans l’existant – décret tertiaire et diagnostic de performance énergétique (DPE) –, l’hybridation des solutions gaz devient une solution très pertinente, et le dimensionnement de celle-ci est une étape incontournable si l’on veut assurer un bon fonctionnement de l’installation et trouver l’optimum technico-économique.
En point de départ, une analyse de l’installation existante est indispensable
Puissance et besoins de chauffage et de l’ECS
La première étape d’une étude de dimensionnement consiste à évaluer la puissance de chauffage maximale sur la base des déperditions du bâtiment ainsi que le besoin énergétique pour le chauffage et l’ECS. L’idéal est de pouvoir récupérer les consommations réelles du bâtiment ou la monotone de chauffage, car l’un des risques est de repartir des puissances estimées lors de la conception du bâtiment, sachant que celles-ci sont très souvent surévaluées par rapport à la réalité. Dans cette hypothèse, la puissance de la PAC serait surdimensionnée, entraînant un surcoût à l’investissement mais aussi un mauvais fonctionnement de la PAC qui – en raison de son surdimensionnement – fonctionnera sur des cycles courts, à faible charge et aura donc des mauvaises performances et un compresseur avec une durée de vie raccourcie.
Débit et régimes de température des différents réseaux
Une fois les besoins et les puissances de chauffage et d’ECS du bâtiment validés, il faut s’intéresser aux émetteurs de chauffage présents dans le bâtiment (radiateurs, planchers chauffants, centrale de traitement d'air (CTA)…). Ils vont déterminer le régime de température de départ à la production de l’installation et le nombre de réseaux partant de la chaufferie. L’analyse des puissances et des débits de chacun de ces réseaux est également importante dans la stratégie d’hybridation : des régimes hauts en température et/ou non régulés (CTA ou ECS, par exemple) perturbent les températures de retour des circuits fonctionnant à plus basse température, compliquant ainsi le fonctionnement de la PAC. Celle-ci fonctionne, en effet, de manière optimale avec des températures les plus basses possible et sans fortes variations. Ainsi, il peut être judicieux sur une installation complexe de n’hybrider que les réseaux avec des températures plutôt basses pour optimiser les performances de la PAC, et laisser les réseaux à haute température avec de fortes variations sur la chaudière (exemple d’une CTA). Mais là aussi, tout dépend des débits de chacun de ces réseaux.
Hybridation du chauffage ou de l’ECS ou du chauffage et de l’ECS
Dernier point, il convient de bien prendre en considération les usages à hybrider sur l’installation. S’agit-il du chauffage seul ? Du chauffage et de lECS ? Ou seulement de l’ECS ? En fonction des segments de marché, résidentiel ou tertiaire, le choix d’un seul usage peut être pertinent, notamment sur des bâtiments avec de faibles besoins ECS où il faudra se concentrer uniquement sur le chauffage. En revanche, si l’ECS est à hybrider, il faudra considérer quelle est la production ECS associée. Instantanée, semi-instantanée, accumulée… ? Tous ces choix impactent directement le dimensionnement de la PAC hybride collective.
Hybridation double service ou par usage ?
En fonction des usages à hybrider, plusieurs types de schémas hydrauliques peuvent être envisagés, comprenant un ou plusieurs ballons de stockage et donc une emprise au sol plus ou moins importante. (voir article Schémas hydrauliques, page 26).
Hybridation des usages de manière séparée
Lorsque les deux usages sont à hybrider, le choix peut être fait de coupler à la chaudière une PAC dédiée au chauffage et une PAC dédiée au préchauffage de l’ECS. Cela permet de travailler sur la PAC dédiée au chauffage sur des températures d’eau plus basses, liées à la loi d’eau en mi-saison, et donc sur des plages de fonctionnement plus favorables à la PAC, proches de ses COP optimaux. Pour la PAC dédiée au préchauffage de l’ECS, le choix pourra être fait de travailler à différentes températures (entre 40 °C et 55 °C), ce qui aura un impact sur les performances de la PAC et donc sur sa sélection. La solution d’hybridation par usage permet d’aller chercher plus de performance si les machines sont bien dimensionnées, mais nécessitera un nombre d’équipements plus important (deux PAC, plusieurs ballons de stockage), une emprise au sol plus conséquente et donc un investissement plus important.
Hybridation commune des usages chauffage et ECS
Le concepteur peut également faire le choix d’hybrider les deux usages avec une PAC unique. Le système aura un investissement moindre, mais cela contraindra la PAC à fonctionner sur un régime de température plus élevé, à moins que le choix soit fait de diminuer la température de départ de la PAC et d’augmenter le complément fait par la chaudière.
Anticiper les futurs travaux de rénovation sur l’enveloppe
Dans la théorie, le plus judicieux est de travailler sur l’enveloppe du bâtiment, et donc ses besoins énergétiques, avant de travailler sur le système de production. Dans la pratique, pour des questions budgétaires, de nombreux maîtres d’ouvrage (notamment les copropriétés où la prise de décision est plus longue et plus complexe) ne peuvent envisager une rénovation globale au premier geste. Il est alors important de prendre en compte les besoins futurs du bâtiment dans le dimensionnement de la solution hybride afin de ne pas mettre en place une PAC trop puissante qui, pour les raisons exposées précédemment, sera surdimensionnée une fois l’enveloppe rénovée et conduira ainsi à une mauvaise performance de l’installation.
Le mode de régulation de la PAC hybride
Les différents modes de régulation de la PAC hybride possibles impactent directement le dimensionnement de la puissance de la PAC et de la puissance de la chaudière, ainsi que le taux de couverture de chaque appareil.
Extraits du document technique unifié (DTU) 65.16
1. Bivalent alternatif : La PAC fonctionne jusqu’à une certaine température extérieure (point de bivalence). En dessous de cette température, la PAC est mise à l’arrêt, et une chaudière prend le relais (la PAC est utilisée annuellement pour le chauffage pour 40 % à 70 %). Ce fonctionnement peut permettre de s’affranchir des périodes de dégivrage de la PAC si la température de bivalence est supérieure à 2-3 °C.
2. Bivalent parallèle : La PAC fonctionne seule jusqu’à une certaine température extérieure. En dessous de la température du point de bivalence, la PAC fonctionne avec une chaudière en relève (la PAC est utilisée annuellement pour le chauffage pour 70 % à 90 %).
3. Bivalent alternatif parallèle : Ce mode est la fusion entre le mode bivalent parallèle et le mode bivalent alternatif. En dessous de la température du point de bivalence, la chaudière et la PAC fonctionneront ensemble dans un premier temps ; puis, progressivement, lorsqu’une certaine température extérieure (température de bascule) est atteinte, la PAC s’arrête complètement, et la chaudière prend le relais à 100 %.
Objectifs et méthodologie de l’étude en résidentiel collectif existant
Une fois tous ces paramètres appréhendés, nous avons souhaité aller plus loin en travaillant sur une règle de dimensionnement, en fonction de quelques paramètres, qui puisse faire consensus auprès de la filière afin de donner une première fourchette de dimensionnement de la PAC pour arriver à un optimum technico-économique. Entre mi-2023 et fin 2024, Cegibat a sollicité six fabricants qui présentaient tous un intérêt pour la PAC hybride collective en rénovation. Objectif : réaliser des travaux en bilatéral avec Engie Lab Crigen afin de déterminer le dimensionnement optimal d’une PAC hybride collective sur le marché du résidentiel existant.
Ce dimensionnement a été optimisé en prenant en compte plusieurs indicateurs :
- le coût d’investissement initial ;
- le coût global actualisé pour la PAC hybride, prenant en compte l’investissement initial, la maintenance et le coût des énergies sur 22 ans ;
- le coût d’abattement carbone ;
- le taux de couverture de chauffage ;
- les performances du système (SCOP) et le taux EnR.
Les simulations ont été faites avec le moteur Th-BCE sur trois zones climatiques (H1a, H2b et H3), pour des températures de départ/retour de 70/50 °C et dans la configuration PAC par usage (chauffage et ECS) et PAC pour le chauffage, chaudière pour l’ECS et l’appoint chauffage.
Avec un mode de fonctionnement retenu en bivalence parallèle : la PAC fonctionne en base, quelle que soit la température extérieure, et la chaudière fait l’appoint chauffage mais aussi l’ECS.
La puissance de la PAC à 0/50 °C doit être comprise entre 20 % et 30 % des déperditions du bâtiment à la température extérieure de base (30 % en H1, 25 % en H2 et 20 % en H3).
Un taux de couverture des besoins de chauffage et dʼECS par la PAC entre 55 % et 85
En partant de ce dimensionnement, le taux de couverture des besoins de chauffage et d’ECS a été observé sur les différentes typologies de bâtiment en utilisant la méthode d’Engie Lab Crigen et en la comparant aux outils internes des fabricants qui ont dimensionné la solution de leur côté.
Taux de couverture (en %) de la PAC = le rapport entre la quantité d’énergie fournie par la PAC hors appoint et les besoins annuels de chaleur, pour le chauffage et l’ECS du logement.
On constate sur cette fourchette de dimensionnement, une couverture des besoins de chauffage par la PAC entre 50 % et 70 %, et entre 55 % à 85 % si on inclut l’ECS. Un dimensionnement au-delà de ces préconisations est possible, mais les coûts d’investissement deviennent trop importants par rapport au gain sur la couverture de la PAC.
Un dimensionnement permettant d’atteindre un optimum sur le coût global de l’installation et sur le coût d’abattement carbone
Autre constat : c’est sur cette fourchette de 20 % à 30 % de puissance que l’on obtient un optimum sur le coût global et sur le coût d’abattement carbone.
La suite de l’étude pour déterminer le dimensionnement de la PAC hybride collective dans le cas d’une PAC double service est en cours. Les premiers résultats montrent un dimensionnement très similaire au cas de la PAC par usage. Nous reviendrons sur ce cas lors d’un prochain numéro de vecteurGAZ, ainsi que sur le dimensionnement de la PAC hybride collective en rénovation de bâtiments tertiaires, où les études sont également en cours.