D’une réglementation thermique à une réglementation environnementale multicritères
Depuis 1974 et l’entrée en vigueur de la première réglementation thermique dans le bâtiment, les textes successifs se sont attachés à réduire les consommations énergétiques en jouant sur deux leviers : la conception du bâtiment (et notamment son isolation) et les performances des systèmes énergétiques. La RT2012 a apporté une véritable rupture dans la manière de concevoir et de construire un bâtiment en encourageant la conception bioclimatique pour diminuer les besoins de chauffage et d’éclairage tout en garantissant un confort d'été satisfaisant et en limitant la consommation d’énergie primaire sur les 5 usages (chauffage, eau chaude sanitaire, éclairage, auxiliaire et froid) à 50 kW/m²ep.an en moyenne. Néanmoins, les consommations liées aux usages mobiliers (= électricité spécifique), en constante augmentation, ne sont pas prises en compte alors qu’elles représentent une part importante.
En outre, les travaux menés par le CSTB ont démontré l’impact non négligeable du poste « matériaux de construction et équipements » sur les émissions de gaz à effet de serre d’un bâtiment sur une durée de 50 ans (graphe ci-dessous).
Or, la Loi sur la Transition Energétique fixe des objectifs très ambitieux concernant notamment les émissions de gaz à effet de serre et les consommation énergétiques non renouvelables. Pour les atteindre, elle introduit notamment la notion de bâtiments « à faible empreinte carbone, construits en minimisant leur contribution aux émissions de gaz à effet de serre sur l’ensemble de leur cycle de vie, de leur construction jusqu’à leur déconstruction, ».
Fort de ce constat, et pour relever le défi lancé, les pouvoir publics ont souhaité élargir le périmètre des exigences applicables à toute future construction neuve afin de réduire les impacts environnementaux sur la durée de vie d’un bâtiment en plus de maitriser les consommations énergétiques.
Une entrée en vigueur progressive avec le label Energie-Carbone comme première étape
Comme ce fut le cas en RT2012 avec l’expérimentation via le label Bâtiment Basse Consommation (BBC), les pouvoirs publics mettent à disposition de la filière, un nouveau dispositif, le label « Energie – Carbone », pour lui permettre d’expérimenter et de se préparer à la prochaine réglementation.
NB : les dates indiquées représentent des tendances. En fonction de l’actualité, des changements restent possibles
D’application volontaire, les maitres d’ouvrage désireux de construire des bâtiments répondant à ce label, devront respecter les exigences de la RT 2012 (Cep, Bbio, Tic, perméabilité à l’air) ainsi que les deux exigences complémentaires permettant d’évaluer la performance énergétique et environnementale du bâtiment :
- l’évaluation de son bilan énergétique sur l’ensemble des six usages, appelé bilan énergétique BEPOS (BEPOSBilan),
- l’évaluation de ses émissions de gaz à effet de serre sur l’ensemble de son cycle de vie (Eges) et l’évaluation des émissions de gaz à effet de serre des produits de construction et des équipements utilisés (EgesPCE).
4 niveaux croissants de performance relatifs au bilan énergétique avec un périmètre étendu
D’un point de vue énergétique, l’ambition est de diminuer les consommations d’énergies non renouvelables tout en intégrant, dans le bilan, les consommations d’électricité spécifique. Les leviers possibles pour y parvenir sont les suivants :
- améliorer les performances du bâti
- accroitre l’efficacité énergétique des systèmes mis en œuvre
- recourir aux énergies renouvelables
Mesurer la performance environnementale sur le cycle de vie du bâtiment par la prise en compte et l’évaluation des émissions de gaz à effet de serre
C’est la grande nouveauté et inconnue proposée par le label Energie-Carbone : évaluer la performance du bâtiment vis-à-vis de ses émissions de gaz à effet de serre.
En effet, afin de répondre notamment aux engagements de la stratégie nationale bas-carbone, avec pour ambition de réduire de 50 % les émissions directes de gaz à effet de serre dans le secteur du bâtiment d’ici 2030 et de 87 % à l’horizon 2050, les pouvoirs publics ont souhaité mesurer l’empreinte écologique d’un bâtiment sur son cycle de vie pour maitriser les impacts environnementaux associés.
Deux niveaux d’exigences distincts sont définis :
- Un niveau d’émissions de gaz à effet de serre sur l’ensemble du cycle de vie du bâtiment, Egesmax
- Un niveau d’émissions de gaz à effet de serre relatif aux produits de construction et équipements, EgesPCE, max.
Par conséquent, un maitre d’ouvrage pourra réaliser la combinaison Energie Carbone qu’il souhaite en fonction de l’ambition de son projet, et d’exigences complémentaires éventuelles (éco-quartier par exemple) comme le démontre le graphe ci-dessous :
Expérimenter pour apprendre – observer pour arbitrer
La volonté des pouvoirs publics est claire : accompagner la filière et co-construire. En effet, l’expérimentation par le label doit permettre de tirer un certains nombres d’enseignements, notamment sur la faisabilité technique et économique, pour rédiger la future Réglementation Environnementale.
Pour ce faire, un observatoire a été créé pour collecter et analyser les données d’intérêt (caractéristiques du projet, coût de construction...). Une fois traitées, elles permettront d’affiner la méthode de calcul et les seuils réglementaires, le tout à coût maitrisé. Les bâtiments très performants déjà construits peuvent y participer.
Ils peuvent vérifier eux-mêmes (auto-évaluation) l’atteinte de ces niveaux ou confier cette vérification à des certificateurs, tierces parties indépendantes ayant conventionné avec l’Etat, qui leur donneront un avis impartial sur la performance de leur construction, le respect du référentiel et les accompagneront en amont dans la démarche.
Néanmoins, tous les outils ne sont pas encore à disposition, notamment sur la réalisation du calcul en ACV. Les choses devraient avancer favorablement prochainement.
Un bonus de constructibilité conditionné à la performance
Afin d’encourager la maitrise d’ouvrage à expérimenter le label Energie Carbone, les pouvoirs publics donnent la possibilité de bénéficier d’un bonus de constructibilité pour toute construction répondant aux critères d’éligibilité définis dans l’arrêté du 12/10/2016. Pour y parvenir, trois possibilités aux exigences différentes
- Le bâtiment vise l’exemplarité énergétique. Dans ce cas, l’exigence est portée sur le Cep max commet suit :
- Bâtiments à usage de bureaux : Cep ≤ Cepmax - 40%
- Autres types de bâtiments : Cep ≤ Cepmax - 20%
- Le bâtiment vise l’exemplarité environnementale. Dans ce cas, le projet doit respecter l’exigence « Carbone 2 » du référentiel « Energie-Carbone » et deux des trois critères parmi les suivants :
- Valorisation d’au moins 40% en masse des déchets de chantier générés (hors déchets de terrassement),
- Recours à des produits et matériaux de construction, revêtements de mur ou de sol, peintures et vernis, étiquetés A+, au sens de l’arrêté du 19 avril 2011 + constat visuel par le maitre d’ouvrage des installations de ventilation,
- Taux minimal de matériaux biosourcés correspondant au « 1er niveau » du label « bâtiment biosourcé » au sens de l’arrêté du 19 décembre 2012 susvisé.
- Le bâtiment vise le BEPOS. Dans ce cas, le projet doit respecter le niveau « Energie 3 » du référentiel « Energie-Carbone ».
A noter : Une certification obligatoire sera exigée dès lors que le projet souhaitera bénéficier du bonus de constructibilité par la voie de l’exemplarité environnementale ou BEPOS.
La balle est maintenant dans le camp de la filière. Le match peut commencer.