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Actualité

L’avenir du gaz sera-t-il low-tech ?

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À l’opposé du tout technologique, la low-tech privilégie une approche plus frugale et décarbonée. Expert des low-tech à la tête de l’agence d’architecture pluridisciplinaire AREP, Philippe Bihouix dresse les grandes lignes de cette démarche à l’échelle de la ville et du bâtiment. Anne Keusch, directrice du développement durable et de l’innovation de Groupama Immobilier, a initié cette pratique il y a quatre ans par le réemploi de matériaux. Elle réfléchit désormais à des actions dans le domaine de l’énergie. Rencontre.

Comment définir les low-tech ?

Philippe Bihouix : On parle aussi de technologies sobres, durables, résilientes. Par opposition à la croyance que les innovations permettront de résoudre l’équation climatique et de repousser la pénurie de ressources, les low-tech visent à nous réinscrire dans les limites planétaires, par la sobriété et le discernement technologique.

Quelle en est l’application à l’échelle de la ville et du bâtiment ?

P. B. : La ville low-tech est le contre-modèle de la smart city, bourrée de capteurs. C’est une ville intelligente, au sens où elle mise d’abord sur l’intelligence de ses habitants : plus de production locale, de circuits de partage, de réparation, de réemploi. À l’échelle du bâtiment, la démarche low-tech questionne d’abord le besoin (juste dimensionnement, utilisation intense des lieux), puis cherche à minimiser l’impact environnemental dans toutes ses dimensions (énergie, ressources, adaptation au changement climatique…) en mettant en œuvre les solutions sociotechniques(1) les plus adaptées.

Et plus précisément dans le domaine de l’énergie appliquée au bâtiment, neuf comme existant ?

P. B. : Avant la question du bon mix énergétique, il faut interroger les besoins des utilisateurs. Le confort thermique ne s’obtient pas que par le chauffage de l’air ambiant. Bien d’autres moyens entrent en jeu, comme le choix des matériaux, en particulier de leur effusivité, le choix des isolants, le mode d’utilisation, le niveau de confort attendu en fonction des activités, la ventilation naturelle ou encore le bioclimatisme. Une fois cela fait, on peut choisir les meilleures (les moins mauvaises) solutions : solaire thermique, pompes à chaleur, réseaux de chaleur ou de froid, etc., selon les conditions et les disponibilités locales. Pour réduire l’impact environnemental et l’artificialisation des sols, il faut privilégier la rénovation, la réhabilitation, la transformation (pensons au gisement de bureaux vides par exemple). Mais la démarche low-tech peut aussi s’appliquer au neuf.

Quel rôle peut jouer le gaz dans les low-tech ?

P. B. : Aucune énergie n’est parfaite, il n’existe pas d’énergie « 100 % propre » ou verte. La combustion du gaz émet du CO2 et, même s’il en reste beaucoup, la ressource est épuisable et créera de plus en plus de tensions internationales(2). Le biogaz issu des déchets agricoles peut s’avérer une piste particulièrement intéressante, qui permet d’utiliser les infrastructures de transport et de stockage existantes, si on sait la développer de façon pertinente dans les territoires adéquats.

     La ville low-tech est le contre-modèle de la smart city, bourrée de capteurs, voitures autonomes et drones de livraison.
Philippe BIHOUIX
Directeur général de l’agence d’architecture pluridisciplinaire AREP

Quel est le lien entre économie circulaire et low-tech ?

P. B. : L’économie circulaire est un leurre. Aujourd’hui on recycle globalement très mal, et plus on enrichit nos objets technologiquement, plus on recycle mal (les déchets électroniques sont parmi les plus complexes à traiter). La low-tech permet d’allonger les cycles de vie des produits, moins frappés d’obsolescence et de mieux les recycler.

Pourquoi Groupama Immobilier s’intéresse-t-il aux low-tech ?

Anne Keusch : Groupama Immobilier est le gestionnaire d’actifs immobiliers de Groupama, ce qui représente notamment une centaine de bâtiments dans Paris. Nous avons engagé, il y a quatre ans, une démarche low-tech par le réemploi de matériaux de second œuvre pour décarboner nos travaux de rénovation et de restructuration. Nous faisons partie des membres fondateurs de l’association Circolab lancée en 2017, et depuis 2020 nous sommes à l’initiative d’une communauté de maîtres d’ouvrage (40 aujourd’hui) qui s’appelle le « Booster du Réemploi ». 120 projets, représentant environ 1,4 million de m2 , sont en cours pour les trois prochaines années. Depuis 2021, la plateforme digitale Looping.immo permet aux maîtres d’ouvrage de poster leurs demandes de matériaux et aux offreurs d’y répondre.

Avez-vous aussi une réflexion dans le domaine de l’énergie ?

A. K. : Oui, bien sûr, et nous nous interrogeons dans le cadre des restructurations de nos immeubles sur l’énergie la plus pertinente. Chaque cas est différent et nous faisons du sur-mesure. Nous sommes à l’écoute de solutions low-tech aussi bien pour le chaud que pour le froid. Et nous avons des échanges avec les équipes de GRDF pour mieux appréhender ces problématiques. À Paris, nous faisons aussi partie d’un groupe de travail de l’incubateur de la ville de Paris, Paris&Co, autour de l’innovation urbaine low-tech. Nous savons que les ressources vont se raréfier et nous devons nous tourner vers ce mode de conception. Cette transformation des marchés doit anticiper et accompagner la transformation des métiers. Il faut rester vigilant et ne pas oublier la dimension sociale de cette mutation et son impact sur l’emploi. L’innovation doit être low-tech et sociale !

     Nous voulons promouvoir avec la low-tech une façon de construire plus durable.
Anne Keusch
directrice du développement durable et de l’innovation de Groupama Immobilier
À RETENIR
• La démarche low-tech se démarque du high-tech qui voudrait que la technologie soit la réponse aux problèmes environnementaux (pénurie de ressources et dérèglement climatique).
• Celle-ci s’appuie sur la sobriété et le discernement technologique, des solutions durables et de faible impact environnemental, en bonne adéquation avec les besoins et l’intelligence des utilisateurs (exemple : favoriser le réemploi de pièces détachées ou l’utilisation d’appareils reconditionnés).
• Elle se déploie à l’échelle de la ville et du bâtiment, neuf et existant. Dans le domaine énergétique, le gaz vert est l’une des pistes explorées.

(1) Étude des organisations techniques de production ou des organisations du travail en vue de leur amélioration. Cette notion est plus large que l’ergonomie.

(2) Interview réalisée mi-février 2022.

MA NOTE