Carte d'identité
- Localité :
- Arcueil
- Maître d'ouvrage :
- Clardim
- Bureau d'études thermiques :
- Reon Ingénierie
Le renouvellement des équipements de chauffage vers des matériels plus performants est bel et bien un moyen de contribuer à l’efficacité énergétique des bâtiments, mais il n’est pas le seul. La bonne conduite des installations existantes apporte également des économies d’énergie non négligeables. Un gisement dont GRDF compte bien faire la démonstration, à travers une expérimentation menée sur une copropriété de 108 logements à Arcueil (Val-de-Marne). « Sur le chemin de la performance énergétique des bâtiments à rénover, la maitrise de l’exploitation des équipements en place est indispensable avant de les changer ou d’en complexifier le fonctionnement, souligne Nicolas Mauger, ingénieur efficacité énergétique chez GRDF. La performance des installations, les économies d’énergie et la réduction de leur empreinte carbone sont au cœur des considérations de nos clients. GRDF accompagne cette démarche, car la performance des installations gaz et hybrides est au rendez-vous de ces attentes. »
L’objectif de l’expérimentation : constituer un guide compilant les bonnes pratiques en matière de conduite, de réglage et d’entretien d’installations existantes, directement applicables sans investir dans de nouveaux travaux. Le bureau d’études Reon Ingénierie a été retenu pour remplir cette mission en raison de son expertise en matière de suivi et d’exploitation-maintenance d’installation. Restait à trouver une copropriété susceptible de servir de champ d’expérimentation afin d’éprouver ces bonnes pratiques. « J’ai été sollicité par Julien Galli, dirigeant du bureau d’études Reon Ingénierie, et j’ai très vite pensé à la copropriété d’Arcueil, car il nous fallait une chaufferie emblématique de celles que l’on trouve dans les copropriétés franciliennes pour mener cette expérimentation », relate Laurent Carlier, cogérant du syndic de copropriétés Clardim.
Érigée en 1962, la copropriété d’Arcueil a fait l’objet de plusieurs phases de travaux. La chaufferie, rénovée en 1998, abrite désormais deux chaudières basse température de 700 kW chacune. Les façades des trois édifices que compte la copropriété ont fait l’objet d’un ravalement assorti d’une isolation thermique par l’extérieur (ITE) en 2013. Laurent Carlier précise que cette ITE a déjà permis d’enregistrer des gains énergétiques de l’ordre de 30% sur le poste chauffage. Au sein des logements, l’émission de chauffage se fait par plancher chauffant. L’eau chaude sanitaire (ECS) est quant à elle produite par un préparateur avec régulation embarquée et stockée dans deux ballons à une température de 58 °C.
DES AMÉLIORATIONS À COÛT NUL
Dans un premier temps, Julien Galli a recueilli auprès du syndic les éléments nécessaires à la reconstitution de l’historique de la chaufferie de la copropriété (paramétrages, consommations en gaz et en électricité, etc.). Pour ce faire, GRDF avait mis en place un relevé journalier des consommations de gaz. Pour Julien Galli, il s’agissait en quelque sorte de « reconstituer le carnet de santé de la chaufferie, qui peut parfois s’avérer lacunaire. Mais, avec un peu d’expérience, il est possible de pallier ces manques, notamment en relevant des incohérences dans certains paramètres (les relevés de compteur par exemple) »
Le thermicien s’est également rendu à plusieurs reprises sur site afin de dresser l’inventaire des équipements de la chaufferie. Quelque deux mois plus tard, Julien Galli a pu formuler un certain nombre de recommandations visant à améliorer la conduite de la chaufferie. Première constatation, synonyme de voie d’optimisation : l’exploitant de la chaufferie de la copropriété avait pour habitude de laisser opérer la fonction chauffage, en ne désactivant pas la régulation de celle-ci en dehors de la saison de chauffe, de juin à septembre. En clair, durant cette période, les deux chaudières restaient susceptibles de se mettre en marche afin d’alimenter le circuit de chauffage. Sur les conseils de Reon Ingénierie, le syndic a demandé à l’exploitant de procéder à la coupure des organes du circuit de chauffage (pompe, vannes…) en période estivale. Le résultat ne s’est pas fait attendre : « Nous avons constaté une baisse des consommations (de gaz, mais aussi d’électricité liée au fonctionnement des auxiliaires) sur cette période, se traduisant par un rendement de production d’eau chaude bien plus élevé. La consommation d’énergie nécessaire à la production de 1 m3 d’ECS est dès lors bien plus faible. »
DES MESURES AFFINÉES À L’ISSUE DU PREMIER HIVER
À la fin de la première saison de chauffe de l’expérimentation, de nouvelles préconisations sont entrées en vigueur à partir de mars 2023. À commencer par le redimensionnement de la chaufferie. « Les travaux d’ITE ayant déjà sensiblement réduit les besoins, il est apparu pertinent d’isoler hydrauliquement l’une des deux chaudières. L’autre chaudière a été reclassée en générateur de secours, poursuit Julien Galli. Nous avons également abaissé la température en départ de chaufferie de 85 °C à 70 °C. Avec une température de consigne de 38 °C en départ de plancher chauffant, lorsque la température extérieure est de –5 °C. »
Se basant sur ce gain en inertie thermique, consécutif à la rénovation de l’enveloppe des trois bâtiments de la copropriété, ainsi que sur le mode d’émission (plancher chauffant), Reon Ingénierie et Clardim ont décidé de déphaser le mode réduit de nuit. Précédemment, ce mode s’effectuait sur la tranche 22h00/6h00 et n’était pas activé sur la régulation. Désormais, il est appliqué sur le créneau 18h 00/ 00h00, afin de tirer parti de l’inertie offerte par le plancher chauffant (d’environ quatre à six heures). « Grâce à cette inertie, nous pouvons désormais anticiper le mode réduit, sans changement de ressenti en termes de confort. Cela n’a heurté personne parmi les occupants, assure Laurent Carlier. Ces simples paramétrages ont procuré 20% d’économies. Ils ne sont pourtant pas mis en œuvre systématiquement par les chauffagistes… » Dans le même ordre d’idée, le syndic avait également demandé à son exploitant de réduire de 1 °C la température de consigne au sein des logements.
Dernière préconisation mise en pratique : le paramétrage de la régulation afin qu’elle impose une température de non-chauffe (TNC), fixée à 15 °C extérieur de jour ou à 14 °C extérieur de nuit. Passé ces températures, le système de chauffage est mis à l’arrêt. « Il s’agit là d’une fonctionnalité très classique (disponible dans près de 90% des organes de régulation), malheureusement peu utilisée car mal maîtrisée par la profession… », regrette Julien Galli. Par ailleurs, le régulateur de l’installation, capable de prendre en compte le degré d’inertie des bâtiments, a été reparamétré en conséquence.
SYNDIC-EXPLOITANT : UN DIALOGUE NÉCESSAIRE
Pour divers motifs, certaines préconisations du BE n’ont pas (encore) été mises en œuvre : « Nous avions envisagé de remettre en service un condenseur extérieur (en sortie des conduits de fumées), indique Julien Galli. Cela était tout à fait possible et intéressant, dans le cadre d’une installation de chauffage basse température sur plancher chauffant, et ce, même avec une seule chaudière en fonctionnement. Mais le ventilateur du condenseur était grippé. Pour rappel, la plus-value de notre expérimentation est d’appliquer des mesures à coût nul, relevant uniquement de la conduite, de l’entretien et du réglage d’installation. Elle n’est pas censée engager de la maintenance ou des rénovations. Mais rien n’empêche le syndic d’intervenir sur ce condenseur par la suite. »
L’expérimentation a également illustré à quel point le trio bureau d’études-syndic-exploitant est fondamental dans l’application ou non de mesures correctives. À titre d’exemple, la décision a été prise de ne pas corriger les dérives de mesure de la sonde de température extérieure, bien qu’identifiées en fin de saison de chauffe 2023-2024. Julien Galli s’en explique : « Le but étant d’évaluer ces économies à périmètre constant, nous n’avons délibérément pas reparamétré la sonde extérieure pour ne pas fausser les calculs d’économies obtenues. Le principal étant que les conditions de confort pour les usagers ne soient pas impactées. En effet, ces dérives survenaient essentiellement durant les périodes douces de demi-saison. À 16 °C extérieur, la sonde indiquait parfois 19 °C, mais par temps très froid, la sonde renseignait la bonne température. L’objectif était de toujours rester à confort équivalent, tout en faisant la chasse au “gaspi”. »
PRÈS DE 30% D’ÉCONOMIES AVEC DE SIMPLES RÉGLAGES
À l’issue de deux saisons de chauffe complètes au cours desquelles ces mesures correctives ont été appliquées, la satisfaction semble largement de mise parmi toutes les parties prenantes. Laurent Carlier ne cache pas la sienne : « La consommation de gaz a été réduite de l’ordre de 20% et la consommation d’électricité de 15%, simplement en optimisant les réglages de l’installation et en tirant parti de l’inertie du bâtiment. Je le répète : sans aucune opération de travaux. C’est énorme ! Je ne m’attendais pas à des résultats aussi significatifs. » Julien Galli renchérit : « Ce gain de 20 % est un résultat de fin de saison avec des actions mises en œuvre tardivement. Les gains énergétiques des actions sont réellement de 28,9% sur le poste chauffage et plus de 40 % sur le poste ECS en période estivale. » Il n’en fallait pas plus pour que le syndic ambitionne d’appliquer la même démarche sur une soixantaine d’autres copropriétés.
Même son de cloche du côté de GRDF, pour qui cette opération pilote s’annonce pleine de promesses : « Cette expérimentation démontre qu’il existe un important vivier d’économies à coût nul, dans le champ de la maintenance, se félicite Nicolas Mauger. Une opération de désembouage, par exemple, est une action de travaux qui nécessite un devis supplémentaire, puisque hors contrat d’exploitation. Une conduite assidue et préventive des installations permet d’éviter cette dépense. » GRDF entend bien capitaliser sur les enseignements de cette étude pour mieux les diffuser auprès des BE, qui pourront les appliquer non seulement dans d’autres copropriétés et logements sociaux, mais également dans des bâtiments tertiaires aux usages proches (EHPAD, hôtellerie). « Sans oublier qu’une fois ces réglages opérés, s’assurer de leur bon maintien dans le temps et effectuer toutes les maintenances préventives préservent les performances et forment le meilleur remède contre toute nouvelle dérive », conclut Nicolas Mauger.
Julien Galli
dirigeant du BE REON Ingénierie
Laurent Carlier
cogérant du syndic de copropriétés Clardim
Nicolas Mauger
ingénieur efficacité énergétique, GRDF
À RETENIR
- L’objectif de l’expérimentation tripartite GRDF-Reon Ingénierie-Clardim, consistait à recenser et à appliquer des mesures correctives en matière de conduite d’installation, ne nécessitant aucun investissement.
- La copropriété d’Arcueil est constituée de 3 bâtiments et abrite 108 logements.
- La chaufferie de la copropriété a fait l’objet d’une rénovation en 1998; à cette occasion, deux chaudières basse température de 700 kW chacune avaient été installées.
- En 2013, à l’occasion d’un ravalement de façade, les trois bâtiments ont bénéficié d’une isolation thermique par l’extérieur permettant de réduire de 30% les consommations de gaz