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Se donnant comme objectif de contribuer à la sobriété énergétique, la mairie de Saint-Ismier, dans le massif de la Chartreuse, a entrepris depuis plusieurs années un important programme de rénovation de son patrimoine immobilier. En plus de travaux visant l’amélioration de l’enveloppe de ses bâtiments (changement des huisseries, réfection des toitures…), la volonté de la municipalité était de basculer de l’énergie fioul au gaz sur l’ensemble de ses bâtiments communaux. Restaient deux installations à convertir, dont la chaufferie de la mairie. « L’entreprise chargée de la maintenance des chaudières nous avait signalé que la chaudière fioul de la mairie était en mauvais état. Nous avions des surconsommations de fioul importantes, relate James Jullien, conducteur de travaux de la commune. Après avoir discuté avec les élus, nous avons sollicité le BET Sixième Sens Ingénierie pour une étude de faisabilité. » Très rapidement, l’option consistant à rem placer la chaudière fioul par une chaudière à condensation gaz s’est profilée. « La solution basée sur une chaufferie bois a été vite écartée par les élus, à cause du volume de stockage de combustible que cela aurait représenté », précise-t-il. Toutefois, la chaufferie de la mairie n’était pas en mesure d’accueillir une chaudière gaz : le local de l’ancienne chaufferie fioul n’était pas aux normes. « Par ailleurs, le bâtiment étant classé et visible sur toutes ses faces, il n’était pas envisageable d’installer un nouveau conduit de fumée extérieur. Impossible également à l’intérieur, pour des questions de réglementation ERP », poursuit Rémy Rossillon, gérant du bureau d’études Sixième Sens Ingénierie.
Deux chaudières reliées à un mini réseau de chaleur
Le bureau d’études qui, dans un premier temps, avait envisagé de réaliser une nouvelle chaufferie attenante à la mairie (en container, en préfabriqué...), a alors proposé une autre solution : rénover la chaufferie de l’école du Clos Marchand, distante de la mairie d’environ 300 mètres et y raccorder le bâtiment municipal en créant un réseau de chaleur enterré et une sous-station en remplacement des anciennes chaudières fioul. « La chaufferie de l’école était équipée de chaudières (2 x 145 kW) très anciennes et aux rendements perfectibles (il ne s’agissait pas de chaudières à condensation), ajoute Rémy Rossillon. Nous avons donc proposé au maître d’ouvrage d’installer une nouvelle chaufferie gaz, plus puissante et plus performante. »
La solution repose en fait sur deux chaudières montées dans une même jaquette avec deux conduits de fumées, deux alimentations en gaz indépendantes, deux entrées et deux sorties d’eau. Cette chaufferie mutualisée cumule 480 kW de puissance installée, et les chaudières sont capables de moduler de 20 à 100 % de leur charge. Afin de privilégier un fonctionnement et un rendement optimal, elles font l’objet d’une cascade. « Nous avons fait le choix de solliciter le deuxième corps de chauffe dès que possible, en privilégiant le fonctionnement des chaudières à charge partielle de l’ordre de 30 % sur ce type de modèle. Lorsque l’une des deux atteint 50 % de charge, l’autre corps de chauffe est mis à contribution. Nous avons également cherché à obtenir les températures de retour les plus basses pour optimiser la condensation », détaille le thermicien.
Des hydroéjecteurs pour une économie de matériel
Chaque collecteur des deux sous-stations est alimenté par une seule pompe. Et chaque circuit de chauffage (ici dix au total, en cumulant ceux des locaux de la mairie et de l’école du Clos Marchand) est alimenté par un hydroéjecteur. Cet organe permet de supprimer les pompes secondaires. L’eau des circuits est mise en mouvement par la pompe principale, puis arrive sur l’orifice calibré et réglable (buse) de l’hydroéjecteur. « La réduction de la section au niveau de la buse provoque une accélération de l’eau, créant ainsi une dépression au niveau du retour chauffage. Cela met l’eau en mouvement par aspiration, ce qui permet de fonctionner sans pompe », explique Rémy Rossillon. Autre intérêt de l’hydroéjecteur : il remplace la vanne trois-voies et le circulateur au niveau de chaque circuit. À la clé, de nombreuses économies. « Dans une installation classique, nous aurions dû nous équiper d’une vingtaine de pompes : une pompe double par circuit, plus une pompe pour le réseau de la mairie et enfin, une pompe pour les chaudières. Les économies sont également notables en termes de consommation électrique induite par tout ce matériel. Enfin, la mise en œuvre s’en est trouvée grandement simplifiée puisque, sur chaque pompe, il aurait également fallu installer une vanne et une bride de chaque côté, un câble électrique, un contacteur, un point de commande sur l’automate, un disjoncteur, etc. ».
Gestion des travaux en site occupé
L’intégralité des travaux a été effectuée en site occupé, avec un cadencement pensé pour créer le moins de désagréments possible. Les travaux en chaufferie ont eu lieu entre juin et septembre 2019, période durant laquelle l’école accueille les activités du centre aéré. « Travailler en site occupé fait partie de nos compétences chez Sixième Sens Ingénierie, assure Rémy Rossillon. Nous avons utilisé la cour de récréation pour entreposer les matériaux de chantier, en dehors des horaires de centre aéré. » Les travaux de VRD se sont, quant à eux, déroulés durant les premiers mois de l’année scolaire 2019-2020. 600 mètres de canalisations (aller et retour) ont été enfouis pour relier les deux bâtiments. Débutés le 16 juillet 2019, les travaux ont été livrés le 18 décembre 2019. La fin des travaux pour le lot chauffage est survenue le 21 septembre, pour une mise en service à la mi-octobre. Restaient des travaux annexes, dont le retraitement de la cuve de fioul (10 000 litres de capacité) avec un revêtement en fibre de verre pour la rendre étanche et en faire un réservoir de rétention d’eau. « La cuve de fioul enterrée imperméabilisée nous permet de capter de l’eau de source, à laquelle on a ajouté une pompe (dans l’ancien local chaufferie), complète James Jullien. Nous disposons ainsi d’un stock potentiel de 10 000 litres d’eau dévolu à notre service des espaces verts. »
Label « objectif 105 »
La rénovation de la chaufferie du Clos Marchand s’inscrit dans une démarche de performance énergétique portée par le BET Sixième Sens Ingénierie, intitulée « Objectif 105 ». Comme son nom le suggère, il s’agit d’atteindre un rendement global annuel chaufferie de 105 % sur PCI. À cet effet, des compteurs d’énergie ont été installés sur chaque circuit hydraulique, tandis que la chaufferie est équipée d’un compteur général. En attendant que l’ensemble des données de production et de consommation énergétique soit collecté, Sixième Sens Ingénierie s’est engagé sur des objectifs minimaux à atteindre, basés sur ses propres simulations. Dans le détail, le BE table sur 28 % d’économie d’énergie en cumul (pour la mairie et l’école) ; une économie de 11 000 € par an (soit 35 % de la facture énergétique avant travaux) ; 34 % de réduction des émissions de CO2.
Le principe de l’hydroéjecteur repose sur l’effet Venturi, théorisé par le mathématicien Daniel Bernoulli : dans le flux d’un fluide, une accélération se produit simultanément avec la diminution de la pression. L’inverse est aussi vrai : une réduction de la vitesse du fluide, due à l’élargissement de sa section de passage, s’accompagne d’une augmentation de sa pression. L’eau chaude en provenance du réseau primaire est accélérée en passant dans un orifice calibré et réglable. Cette accélération provoque une dépression qui aspire une partie de l’eau froide de retour. Le débit moteur de l’eau chaude transmet une partie de son énergie cinétique au débit aspiré. Le mélange transite ensuite dans un divergeant, entraînant la réduction de sa vitesse et l’augmentation de la pression, garantissant sa circulation dans le circuit secondaire.