Carte d'identité
Contexte
Premier immeuble mixte de bureaux et d’ateliers labellisé PassivHaus, Seine Écopolis a ouvert ses portes en mars 2014. Avec ce projet immobilier, les concepteurs souhaitaient développer un pôle d’excellence destiné à accompagner la mutation de la filière du bâtiment. C’est maintenant chose faite ; les locaux accueillent désormais une pépinière d’entreprises de la filière sur une surface de 1 500 m2. Le bâtiment tertiaire est composé de 39 bureaux, de 11 ateliers, d’une matériauthèque, de locaux de stockage et d’espaces communs : atrium, terrasse, cafétéria.
Pour que ce bâtiment puisse être exemplaire et qu’il serve de démonstrateur, la Métropole Rouen Normandie a souhaité qu’il respecte les exigences du référentiel PassivHaus. Trois critères sont rentrés en compte dans les choix techniques relatifs à la construction :
- la performance énergétique et environnementale
- la facilité d’exploitation
- la reproductibilité
En tant que maître d’ouvrage, la Métropole Rouen Normandie s’était donc fixé un double objectif afin que la construction respecte le label : réduire au maximum les besoins en chaleur l’hiver et ne pas climatiser le bâtiment l’été.
L’appel d’offres en conception-réalisation, instaurant une collaboration étroite entre les différents acteurs, a permis de relever ce défi.
Solutions retenue
Un bâtiment bioclimatique à l'isolation remarquable
La conception d’un immeuble passif oblige avant tout à travailler le bâti et son isolation, pour réduire au maximum les besoins en chauffage et climatisation. Pour se faire, le béton a été associé à différents matériaux :
- les murs du rez-de-chaussée sont composés d’une triple épaisseur alternant béton et polystyrène, pour atteindre un coefficient de transmission thermique très faible : Uw = 0,17 W/m2.K
- les murs en béton de l’étage sont isolés par une épaisseur de 24 cm de chanvrelin et d’un bardage en bois (Uw = 0,16 W/m2.K). Le bardage laisse respirer l’isolant qui est biosourcé.
Ces murs multicouches constituent donc une enveloppe particulièrement étanche à l’air : n50 Pa ≤ 0,6 vol/h et minimisent les ponts thermiques, qui ont été également traités au niveau des points singuliers, tels les acrotères et les jonctions. L’isolation est également renforcée au niveau des menuiseries et des surfaces vitrées elles-mêmes :
- les menuiseries en bois sont protégées par un capotage aluminium sur l’extérieur.
- les baies vitrées sont placées dans l’alignement de l’isolant pour rompre le pont thermique.
- les baies vitrées sont composées soit de triples vitrages dotés d’un bon facteur solaire sur la façade nord (Uw = 1,11 W/m2.K), soit de doubles vitrages associés à un faible facteur solaire pour préserver le confort d’été sur les autres façades (Uw = 1,30 W/m2.K).
Le bâti optimise également les apports énergétiques du soleil, malgré les contraintes associées au Plan Local d’Urbanisation (PLU). En effet, le PLU requérait que le rez-de-chaussée soit parallèle ou perpendiculaire à la voirie, mais la maîtrise d’œuvre souhaitait réaliser un bâtiment bioclimatique en récupérant au maximum les apports solaires grâce à une orientation des bureaux au sud. Les architectes ont réussi à combiner ces deux exigences en désaxant la partie haute, d’où la forme originale du bâtiment. Une extension du site est prévue dans le futur.
La toiture-terrasse est déjà dimensionnée de manière à pouvoir accueillir des panneaux solaires photovoltaïques.
L’architecture et la structure du bâti concilient ainsi résistance mécanique, inertie thermique et maîtrise du budget.
Une chaudière gaz à condensation pour un confort d’hiver différencié selon les locaux
La maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’œuvre se sont tournées vers une chaudière gaz naturel à condensation pour le chauffage des locaux et la production d’ECS. Cette solution associe performance énergétique, simplicité de mise en œuvre et d’entretien. D’une puissance de seulement 100 kW, la chaudière gaz alimente deux centrales à traitement d’air (CTA), ainsi qu’un ballon de stockage d’ECS; une marge de 30 % est prévue pour une éventuelle extension.
Concernant le chauffage, les deux CTA sont régulées de manière différenciée, de sorte à s’adapter aux besoins des bureaux ou des ateliers :
- Le chauffage des bureaux est assuré par la première CTA : son échangeur à roue préchauffe l’air entrant jusqu’à environ 16 °C, grâce aux calories de l’air sortant. Le complément de chauffage est fourni par des batteries terminales d’eau chaude, situées en faux plafonds. Ces dernières sont reliées à la chaudière à condensation. La régulation se fait par façade et par niveau, à partir du cumul des demandes en température des sondes installées dans chaque bureau. Les occupants n’ont donc pas la possibilité de régler le niveau de chauffage, les écarts de température étant faibles entre les bureaux positionnés sur une même façade.
- Le réseau de soufflage de l’autre CTA est divisé en deux : un réseau chauffe les ateliers uniquement au moyen des calories récupérées sur l’échangeur à plaques, ce qui est suffisant pour atteindre le niveau réglementaire requis pour les ateliers (16 °C), l’autre réseau comprend une batterie chaude pour chauffer les bureaux intégrés aux ateliers.
Afin de préserver la qualité de l’air intérieur de ce bâtiment à isolation renforcée, le renouvellement d’air hygiénique s’élève à 30 m3/h/personne au lieu des 25 m3 réglementaires. Il est assuré par une ventilation double flux avec récupération d’énergie à haut rendement. La ventilation est également dotée d’une double filtration G4 et F7, pour limiter la concentration en polluants.
Rafraichissement passif
Pour des raisons énergétiques et environnementales, le groupement de conception-réalisation a décidé de ne pas climatiser le bâtiment (sauf le local serveur) et de ne mettre ni brise-soleil ni stores extérieurs. En contrepartie, une ventilation nocturne estivale peut être déclenchée automatiquement de manière à évacuer la chaleur accumulée dans les bureaux.
À cet effet, un atrium a été conçu, afin d’utiliser sa capacité de tirage thermique créant par ailleurs, un lieu convivial. Quand la température des bureaux dépasse 25 °C, la ventilation nocturne se met en marche au moment où la température extérieure devient plus basse que la température intérieure. La GTB commande alors l’ouverture des allèges des fenêtres ; l’air chaud sort par des grilles de transfert intégrées dans le bas des portes et est évacué à travers des sheds en haut de l’atrium, eux aussi ouverts automatiquement.
Bilan
Un confort thermique et une qualité de l’air satisfaisants en toute saison
Le choix d’un réglage de chauffage différencié selon les locaux répond aux attentes des occupants. Ainsi, Pascal Dubuc, menuisier occupant un des ateliers, est tout à fait satisfait du niveau de chaleur ressentie et de la température ambiante favorable à la tenue du bois et des outils (absence d’humidité).
Malgré l’absence de climatisation, l’inertie des parois en béton et le système de ventilation nocturne ont montré leur efficacité lors des derniers épisodes de forte chaleur. En effet, la température n’a pas dépassé 26 °C en fin de journée dans les bureaux, même après dix jours consécutifs de canicule (35 °C). Selon le témoignage de Pierrick Guilbart, de l’écoentreprise Objectif 15, la température de son bureau reste quasi constante en toute saison, et certains visiteurs s’étonnent quand on leur assure que le bâtiment n’est pas climatisé.
Le système de ventilation double flux a également fait ses preuves. Des études sur la qualité de l’air ont été menées par Air Normand à la livraison, après plusieurs semaines dans un bureau inoccupé, puis dans des bureaux occupés. Elles ont démontré les performances suivantes :
- les émissions de polluants gazeux, observées à la réception, ont nettement diminué en trois mois.
- les concentrations de polluants sont devenues inférieures à celles habituellement observées dans des locaux équivalents au bout de sept mois.
- la concentration en particules fines PM2,5 est plus faible à l’intérieur qu’à l’extérieur.
Bilan énergétique
Le cabinet ARP-Astrance, assistant à maîtrise d’ouvrage qui a conçu l’appel d’offres, a été chargé d’assurer le suivi des consommations pendant deux ans. Celui-ci est maintenant pris en charge par la Direction des bâtiments de la Métropole Rouen Normandie.
Les relevés de consommations indiquent en effet un léger dépassement par rapport aux estimations des postes chauffage/ECS et « Autres ». Bien que la consommation en gaz pour le chauffage est conforme aux attentes, la consommation liée à la production d’ECS est plus élevée qu’attendue, alors même que les consommations d’eau chaude sont moindres que prévues. Cette anomalie est due à la nécessité de maintenir une température de la boucle d’eau supérieure à 55°C, afin d’éviter tout risque de légionellose. À l’occasion d’une future opération, il serait préférable d’installer une petite production d’eau chaude au plus près des points de puisage. Quant au poste « Autres », le dépassement est dû à une répartition mal adaptée des compteurs d’énergie (qui prenaient en compte l’éclairage extérieur), à un nombre plus conséquent que prévu d’équipements informatiques propres aux entreprises occupantes, ou encore aux bornes de charges, pour véhicules électriques, non comptabilisés dans le référentiel PassivHaus.