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Réalisation

Micro-cogénération pour un bâtiment public performant – Chateauneuf (06)

Mis à jour le
4/5 (6 avis)

À quelques kilomètres de Grasse, la commune de Châteauneuf (Alpes-Maritimes) se distingue avec un bâtiment public qui innove par ses équipements (micro-cogénération) et son utilisation rationnelle de l’énergie. 

Carte d'identité

Date des travaux :
Fin en mars 2017
Localité :
Chateauneuf (06)
Type de bâtiment :
Multi-activités
Superficie :
1 700 m2
Maître d'ouvrage : Mairie de Châteauneuf
Architecte : Architectes Benjamin Michel et Nicolas Heams
Bureau d'études thermiques : Kléber Daudin
Complexe le Plantier à Chateauneuf (06)

Au coeur de la commune de 3 200 habitants, Le Plantier, complexe multifonction, accueille des publics très divers. Il intègre un réfectoire d’une capacité de 286 places, une cuisine professionnelle assurant jusqu’à 500 couverts par jour, ainsi que deux salles réservées aux activités d’associations sportives (un dojo de 400 m2 et une salle de yoga de 130 m2). Enfin, l’office de tourisme de Châteauneuf occupe une salle de 70 m2. Plusieurs locaux techniques (sanitaires, douches pour le dojo et la salle de yoga, etc.) et administratifs (bureaux des associations résidentes) ont été prévus pour répondre aux servitudes de ces différentes salles. Une partie de ces locaux techniques constituent l’aile annexe du Plantier.

Récupérer un maximum de chaleur

Ingénieur de formation, Emmanuel Delmotte, maire de Châteauneuf, s’est montré soucieux de la performance environnementale du futur édifice, lors de son élaboration en 2014 : « Notre politique communale consiste à densifier au mieux, afin d’économiser le foncier, en évitant au maximum de minéraliser (par des travaux d’aménagement, type goudronnage, NDR), tout en tâchant de développer une activité tertiaire au sein de la commune. En associant dans une même enceinte une cantine scolaire centrale et des équipements sportifs, la question de la production d’énergie s’est naturellement posée... »

Sur le plan réglementaire, l‘objectif de l‘opération était d‘atteindre le niveau RT 2012 affecté d’une décote de 20 % sur la quantité d’énergie primaire consommée. Ce qui a induit un travail sur la conception architecturale du bâti qui privilégie la compacité et l’architecture bioclimatique. Bénéficiant d'une forte inertie grâce à ses voiles en béton épais, le bâtiment principal a fait l’objet d’une isolation thermique par l’extérieur en sa partie haute (rez-de-chaussée et rez-de-jardin), obtenue à l’aide de 10 cm de mousse résolique. Mais c’est le souci de récupérer au maximum l’énergie consommée qui constitue la marque de fabrique du projet : récupérer la chaleur émise par les groupes frigorifiques affectés à la cuisine afin de faire de la préparation d‘ECS pour les douches, récupérer la chaleur sur l‘air extrait des différents espaces pour assurer la préparation d‘air neuf, récupérer une partie de la chaleur des eaux usées au niveau des douches... La conception globale de l'installation technique a été conçue dans le but d‘éviter le gaspillage, comme le souligne Kléber Daudin, gérant du BET du même nom : « Les kWh consommés, ce sont des euros que l’on paie. Je suis aussi un ancien élu ; l’argent public ne peut être gaspillé. »

Module de micro-cogénération
Module de micro-cogénération
Données de suivi de l’installation (septembre 2017 – mai 2018)
- Durée de fonctionnement de la cogénération : 3 500 h
- Rendement électrique de la cogénération : 24 %
- Rendement thermique de la cogénération : 60 %
- Autoconsommation de l’électricité : 100 %
- Consommation de gaz : 78 MWh

Produire et autoconsommer l’électricité

Une autre volonté de la municipalité était de recourir aux énergies renouvelables. Plusieurs d’entres elles ont été passées en revue, mais ont dû être abandonnées au moment des arbitrages : « Nous voulions sortir des énergies carbonées, indique en préambule Emmanuel Delmotte. Dès lors, nous avons étudié deux options : le solaire et le bois-énergie. Nous avons dû abandonner le solaire, car le site d’implantation du bâtiment est en périmètre classé au titre de la préservation du patrimoine. Nous avons également écarté l’option bois, car l’acheminement du combustible aurait généré un surcroît de trafic, notamment devant les écoles. »

En définitive, c’est le gaz naturel qui a été retenu en tant qu'énergie principale, étant entendu que son utilisation devait s’inscrire dans une solution répondant au souci d’optimisation énergétique. La future installation ne devra pas se « contenter » de produire de l’énergie thermique, elle fournira également de l’électricité qui sera quasi intégralement utilisée sur site. Ces prérequis mis bout à bout ont confirmé la pertinence de la micro-cogénération proposée par le BET Kléber Daudin : une solution à rendement élevé (30 % supérieur à celui de deux unités de production séparées : une production locale de chaleur et une production centralisée d'électricité), qui permettra d’intégrer le biométhane, et ainsi de « décarboner » encore plus le bilan énergétique du bâtiment. De plus, l’autoconsommation de l’électricité résolvait de facto la question du raccordement et des formalités administratives d’un contrat de vente de l’électricité produite, une procédure parfois coûteuse et complexe.

Dimensionnement de la micro-cogénération

Une installation de ce type se compose de trois éléments incontournables : le module de cogénération, une unité d’appoint, et un réservoir tampon. « Une unité de micro-cogénération est toujours assortie d’une chaudière d’appoint afin d’assurer les pointes en besoins de chauffage », rappelle Youness Hssaini, ingénieur Efficacité énergétique chez GRDF. Le ballon tampon a quant à lui pour rôle de stocker la production de chaleur générée par le module de micro-cogénération. Si la règle de dimensionnement du volume tampon prescrit un ratio minimal de 23 l/kW thermiques, le ballon tampon du Plantier a été dimensionné sur un ratio de 60 l/kW thermiques, afin d’optimiser le régime de fonctionnement de la micro-cogénération. Celle-ci développe à puissance nominale 14,7 kW thermiques et 5,5 kW électriques. Le ballon tampon qui lui est associé a une capacité de 900 l. Il est chargé d’alimenter en priorité les réseaux de chauffage : planchers chauffants du restaurant et de la cuisine, batteries chaudes des centrales de traitement d’air pour l’office de tourisme, le dojo et la salle de yoga (cinq CTA au total, toutes à double flux avec récupération d’énergie, aux débits nominaux compris entre 1 000 et 4 200 m3/h), radiateurs pour les circulations, le hall, les vestiaires et les sanitaires. La chaudière d’appoint développe 179 kW à puissance nominale. Elle est mise à contribution pour compléter, si besoin, la production de chauffage (qui bénéficie également de la récupération de chaleur sur l’air extrait) et/ou d’ECS.

Pour l’eau chaude, la conception mise principalement sur la récupération d’énergie fournie en partie grâce à la récupération de chaleur sur les groupes frigorifiques dévolus à la cuisine : un groupe de production de froid positif de 16,9 kW et un groupe de froid négatif de 2,2 kW. Deux modules de récupération de chaleur de 10 et 45 kW y pourvoient. S’ajoute à cela la récupération d’énergie sur les eaux des douches, grâce à un autre récupérateur ad hoc. Les groupes frigorifiques tout comme les CTA sont alimentés en électricité par la production de la micro-cogénération, qui fonctionne 3 500 heures par an.

L’aménagement des équipements techniques
L’ensemble des équipements (microcogénération, chaudière, ballon tampon, CTA, réservoirs d’ECS, groupes frigorifiques) ont été installés dans un sous-sol spécialement décaissé pour se conformer aux exigences de l’architecte des bâtiments de France, qui a proscrit l’installation d’équipements en toiture. Si les études géotechniques préalables laissaient penser à un sous-sol argileux, les équipes chargées de réaliser le décaissement ont eu la mauvaise surprise de trouver un sous-sol en grande partie rocheux ! Une fois le décaissement réalisé, un autre casse-tête s’est imposé à l’équipe de maîtrise d’oeuvre : le local chaufferie n’offrait pas la surface nécessaire pour y loger à la fois le module de micro-cogénération, la chaudière d’appoint et le réservoir tampon de 900 l. Il a fallu déplacer ce dernier à l’extérieur du local chaufferie.
Module de micro-cogénération
Installations thermiques en sous-sol
Module de micro-cogénération - 3
Installations thermiques en sous-sol
Départ des réseaux de distribution
Départ des réseaux de distribution
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Une GTB au service du commissionnement

L’ensemble des équipements (micro-cogénération, CTA, groupes froid) fonctionnant de manière interdépendante, la question du dimensionnement de la micro-cogénération revêtait une importance cruciale. Les simulations thermiques dynamiques ainsi que l’estimation du profil de consommation électrique du futur bâtiment ont permis de ne pas la surdimensionner, afin notamment que la totalité de sa production électrique soit absorbée par les autres équipements. En témoignent les premiers retours issus de l’instrumentation du site, effectués dans le cadre d’un commissionnement confié au BET Kléber Daudin. De septembre 2017 (date de l’exploitation complète du bâtiment) à mai 2018, la micro-cogénération aurait ainsi assuré 30 % des besoins énergétiques totaux du bâtiment, à la fois électriques et thermiques. Par ailleurs, la totalité de l‘électricité produite par l‘unité de cogénération a bien été autoconsommée.

Une mission de commissionnement a été commanditée en phase d’exploitation du bâtiment. Pour Kléber Daudin, celle-ci devrait faire partie des fondamentaux : « J’invite les maîtres d’ouvrage à confier les missions de commissionnement aux BET. Celles-ci devraient être systématiquement greffées sur les missions de l’équipe de maîtrise d’oeuvre. Le commissionnement a eu un double intérêt : il nous a permis de mettre en évidence des erreurs de mise en oeuvre (par exemple, un mauvais positionnement de sondes de température sur le module de cogénération). Il nous a également renseigné sur la possibilité de récupérer encore plus d’énergie... »

Le commissionnement s’appuie sur le déploiement d’une gestion technique des bâtiments (GTB) déployée sur l’ensemble du site, permettant un suivi en temps réel des consommations, des températures et des paramètres de fonctionnement des différents équipements. Cette GTB rapatrie l’ensemble des données sur une plate-forme web pour les mettre à la disposition des services municipaux et de la société de maintenance, qui peuvent ou non intervenir selon le degré d’urgence et de gravité des éventuelles alertes.

Témoignages

     Du dépôt du permis de construire à la livraison, en passant par la recherche de subventions, il a suffi de trois ans pour faire aboutir le projet, ce qui est assez exceptionnel. Nous sommes parvenus à maîtriser le budget grâce à une assistance BIM – même si nous ne sommes pas parvenus à mettre toutes les entreprises en relation – qui nous a permis de connaître très rapidement les coûts afférents aux modifications du projet. Cela nous a notamment permis de prendre la décision de creuser un sous-sol de 500 m2 pour y placer les équipements techniques, qui ne pouvaient être installés ailleurs.
Emmannuel DELMOTTE
Maire de Chateauneuf (06)
     Nous avons veillé à ne pas surdimensionner la cogénération, par rapport aux besoins électriques notamment. Nous avons déterminé le « talon de consommation » du bâtiment, que le commissionnement nous a permis de vérifier par la suite. De même, il a fallu réaliser plusieurs simulations thermiques dynamiques pour dimensionner l’unité en fonction des besoins de chauffage. Ce dimensionnement, tenant compte à la fois des besoins de chauffage et d’électricité, peut être délicat. Par ailleurs, pour sélectionner le module de micro-cogénération, il faut tendre vers un optimum économique, en termes de maintenance. En effet, le nombre d’heures de fonctionnement de l’unité de cogénération a une incidence directe sur ce coût de maintenance.
Kléber Daudin
Gérant du BET Kléber Daudin
     Le bon dimensionnement d'une unité de micro-cogénération requiert une étude thermique fine du BET, afin de tirer le meilleur parti de la chaleur produite, en ne cherchant pas à couvrir la totalité des besoins thermiques. La cogénération doit couvrir la base de ces besoins, les pointes étant assurées par la chaudière. Ce dimensionnement doit également prendre en compte la valorisation de l’électricité. En autoconsommation totale, les démarches administratives se résument à une simple déclaration.
Youness HSSAINI
Responsable efficacité énergétique - GRDF CEGIBAT
MA NOTE