Carte d'identité
Depuis 2021, la ville de Toulon met en œuvre un programme ambitieux de rénovation de son parc tertiaire, en vue de se conformer aux exigences du décret tertiaire. Si, pour ce faire, elle recourt à des solutions gaz éprouvées, telles que celle installée dans le cadre de la rénovation énergétique du gymnase du Port-Marchand (voir vecteur GAZ no 143), elle se montre ouverte aux solutions d’avenir dans lesquelles l’énergie gaz conserve sa place. La rénovation de l’école primaire Claude Debussy, située dans le quartier de La Rode, en est un bon exemple. Sur proposition de GRDF, la municipalité a signifié son intérêt pour l’expérimentation et fait de cet établissement un site pilote d’hybridation, alliant une chaudière gaz à condensation et une PAC air/eau. «Après avoir expérimenté ce type de solution en résidentiel, GRDF souhaitait réaliser un test terrain en secteur tertiaire », indique Jean-Marc Cermelli, directeur transition énergétique et environnement à la ville de Toulon.
Le choix du site d’expérimentation devait répondre à plusieurs critères, notamment disposer d’une puissance électrique suffisante pour ne pas induire des travaux de raccordement trop onéreux. « De notre côté, nous avons veillé à ce que la PAC, installée en extérieur, ne génère pas de nuisances, notamment vis-à-vis du voisinage», complète Jean-Marc Cermelli. Enfin, le futur site devait disposer d’une chaufferie accessible, vaste et située suffisamment à l’écart des espaces fréquentés par les enfants. L’école primaire Claude-Debussy remplissait l’ensemble de ces critères, puisque la PAC air/eau monobloc a pu être installée dans un espace protégé jouxtant la chaufferie.
LA CHAUDIÈRE EN PLACE A ÉTÉ CONSERVÉE
L’installation hybride se compose ainsi d’une chaudière gaz à condensation de 180 kW et d’une PAC air/ eau monobloc de 26 kW. « Les anciennes chaudières (2 x 180 kW) avaient été remplacées en 2015 par une seule chaudière neuve de 180 kW, précise Arnaud Poitau, manager opérationnel chez Dalkia, en charge de l’exploitation-maintenance de l’établissement. C’est à cette chaudière que l’on a adjoint la PAC air/ eau. La ville a pris en charge les frais d’installation et de modification des réseaux hydrauliques. »
Afin de garantir les meilleures chances de succès à cette expérimentation, une étude préalable a été effectuée par le Comité scientifique et techniques des industries climatiques (Costic), récipiendaire de l’appel d’offres lancé par GRDF en 2023. «Notre mission portait spécifiquement sur l’aspect instrumentation ainsi que sur l’évaluation des performances, précise Cédric Beaumont, directeur technique du Costic. Nous nous sommes appuyés sur le schéma hydraulique envisagé par la maîtrise d’ouvrage. Dès l’appel d’offres, nous avons proposé un plan de comptage de principe, amené à être transposé sur le schéma d’exécution. » Le Costic a fourni les six compteurs d’énergie thermique : un pour chaque départ des trois circuits de chauffage, un sur le circuit primaire de la PAC, un autre mesurant l’énergie utile produite par la PAC en aval de la bouteille de découplage et un mesurant l’énergie utile produite par la chaudière pour assurer le complément à la PAC. En plus de ces compteurs énergétiques, l’instrumentation comprend également un compteur gaz, ainsi qu’un compteur électrique rendant compte des consommations à l’échelle de la chaufferie. Sans oublier les sondes de température intérieure et extérieure ainsi que les débitmètres au niveau des trois circuits hydrauliques, dénommés C1 (le plus important, alimentant la majeure partie des locaux de l’établissement), C2 (pour les locaux orientés plein sud) et C3 (dédié à la centrale de traitement d’air du réfectoire) (voir schéma de principe présentant les trois configurations).
LE TAUX DE COUVERTURE PAC : UN INDICATEUR CLÉ
Ainsi reconfigurée et instrumentée, l’installation peut adopter différentes configurations par le jeu des vannes hydrauliques. Il est désormais possible de coupler la PAC à un seul ou à plusieurs des retours circuits. « L’objectif de cette expérimentation est de tirer des recommandations en matière de conception de schémas hybrides et de dimensionnement pour de futurs projets, complète Cédric Beaumont. L’un des enjeux étant de pouvoir trouver le meilleur compromis entre la puissance de la PAC et son taux de couverture. »
Trois configurations ont ainsi été étudiées :
- configuration 1 (mono C1) : hybridation sur le retour du circuit radiateur 1 (56 kW) avant V3V;
- configuration 2 (partielle C1 + C2) : hybridation sur retour commun des circuits radiateurs 1 (56 kW) et 2 (14 kW);
- configuration 3 (mono Ca) : hybridation totale sur les retours circuits radiateurs 1 et 2 (56 kW+ 14 kW) et de la CTA (40 kW).
Après une première saison de chauffe, et moyennant quelques ajustements et recalibrages, l’hybridation partielle donne les meilleurs résultats en termes de taux de couverture de la PAC. « C’est l’indicateur clé, insiste Cédric Beaumont. Même en ayant des COP très élevés, l’impact de la PAC sur la performance globale de l’installation restera limité si la conception et la régulation ne lui permettent pas d’assurer un taux de couverture significatif. » Cette configuration s’imposerait grâce à des retours à basse température associés à des débits très faibles. Une observation étayée par Emmanuel Duparc, ingénieur systèmes au sein du département R&D d’Atlantic, qui a dressé une analyse détaillée des relevés de l’installation, mettant en évidence l’impact du circuit CTA dans l’interprétation des résultats (voir encadré ci-contre) : « Le fait de disposer de bonnes données d’entrée (puissances, températures, débits…) nous a aidés à dimensionner la puissance de la PAC, le volume de stockage de la bouteille de découplage et la configuration hydraulique, mais aussi à identifier les meilleures configurations. »
LE DÉFI DE LA RÉGULATION
Dans son analyse des relevés, Emmanuel Duparc souligne l’importance de travailler avec des réseaux régulés (voir encadré ci-contre). En effet, sur l’école — Trois configurations ont été expérimentées. Après une saison de chauffe, l’hybridation partielle donne les meilleurs résultats en termes de couverture de la PAC. Debussy, chaque réseau obéit à sa propre loi d’eau, les déperditions et les besoins en chauffage différant selon les parties du bâtiment. La PAC a elle aussi sa propre loi d’eau. Optimiser la régulation entre ces différentes lois d’eau représente un réel défi. En l’état, chaudière et PAC obéissent chacune à sa régulation propre. Si la GTC de l’installation a fait l’objet d’une mise à niveau, il reste une marche supplémentaire à franchir. « Il n’est pas idéal de travailler avec deux cerveaux indépendants, résume Emmanuel Duparc. Pour l’heure, le système de régulation de la PAC fonctionne en parallèle du système de régulation gérant les réseaux secondaires ainsi que le passage de la chaudière en haute température (pour alimenter le circuit CTA, par exemple). À terme, il faudra mettre en place une régulation “maître”, capable d’envoyer un ordre à la régulation “esclave”, celle de la PAC.»
Dans son interprétation des données recueillies au cours de cette première saison de chauffe, Emmanuel Duparc (Atlantic) pointe l’influence du circuit 3 (CTA du réfectoire) sur les résultats. Il conclut que, sur l’école Debussy, la solution la plus efficiente est celle d’une hybridation de la PAC uniquement sur les réseaux de radiateurs (C1 et C2), du fait de l’intermittence du circuit CTA. « En configuration partielle C1 + C2, le circuit CTA haute température peut venir perturber les températures et débits de retours secondaires sur le ballon de la PAC. Sur ce site, le fonctionnement très ponctuel du circuit CTA rend cette configuration très pertinente. Le taux de couverture en hybridation partielle sera potentiellement meilleur qu’un raccordement monoréseau si l’installation comporte plusieurs circuits régulés et surtout si le circuit haute température ne pénalise pas de façon importante le débit de retour des circuits raccordés à la PAC. »
Ce qui s’avère être le cas, eu égard au fait que la CTA du réfectoire ne fonctionne que sur un créneau limité dans la journée (entre 7h30 et 15heures, quatre jours par semaine). Ce qui permet à Emmanuel Duparc de sérier différents cas de figure, auxquels correspondent différents taux de couverture théoriques de PAC :
1. la chaudière doit se maintenir en permanence à 70 °C : le taux de couverture théorique sur les circuits 1 et 2 sera de 33%, soit 21% de l’installation totale ;
2.la chaudière doit se maintenir en permanence à 50 °C : le taux de couverture théorique sur les circuits 1 et 2 sera de 54%, soit 35% de l’installation totale.
Dans le cas où la chaudière doit se maintenir à 70 °C pendant six heures par jour uniquement, le taux de couverture théorique sur les circuits 1 et 2 sera de 74%, soit 46% de l’installation totale.
La prochaine saison de chauffe fera également l’objet d’un autre chantier : valider l’interprétation des différentes données récoltées en saison 1 (modélisation de la variation des COP de la PAC selon la température extérieure, la température de départ, etc.). Un second round est convenu dans le cadre de la convention tripartite liant GRDF, Atlantic et la ville de Toulon, comme l’explique Cédric Beaumont : « Étant donné la spécificité de l’installation, ces six premiers mois d’instrumentation, consacrés à tester les différentes configurations d’hybridation, ont permis de mettre en œuvre des mesures correctives, afin de finaliser les réglages, les ajustements en termes de débits, de régulation etc. Cet automne, les suivis seront davantage centrés sur les bilans énergétiques et la performance. »
- Cette expérimentation vise à observer et analyser le comportement d’un système hybride composé d’une chaudière gaz à condensation de 180 kW associée à une PAC air/eau.
- Ce système hybride alimente trois réseaux de chauffage adoptant chacun une loi d’eau distincte.
- La configuration hydraulique permet de sélectionner trois options d’hybridation différentes.
- À l’issue d’une première saison de chauffe, et au vu des premières analyses, le taux de couverture de la PAC peut atteindre, selon certains types d’hybridation, la valeur de 80% à la fin de saison de chauffe avec un COP moyen de 4,2 pour la PAC.