Carte d'identité
Pour Loire Habitat, l’objectif était clair : si la réalisation de ce programme de 12 logements de niveau Passivhaus certifié a valeur d’exemplarité et d’avant-garde, il ne s’agissait en rien d’une opération de communication ! Le bailleur social n’a pas dévié de son objectif malgré les obstacles qui auraient pu le dissuader de mener le projet à terme : « Dans le cadre d’un projet pilote, nous nous efforçons de nous mettre dans des conditions favorables, indique Sébastien Nguyen, chargé de projet maîtrise d’ouvrage Loire Habitat. Sur le projet de la Galachère, le foncier a imposé plusieurs contraintes, notamment en raison d’un terrain en pente et de qualité moyenne nécessitant la réalisation de fondations spéciales.
MURS RIDEAUX À OSSATURE BOIS SUR STRUCTURE BÉTON
Alors qu’il est admis d’associer performance énergétique de l’enveloppe et compacité, l’ouvrage arbore une façade sud rythmée par des décrochés orientés à l’ouest. Ce parti pris est le fruit d’un travail de coconception entre les deux cabinets d’architecture Atelier des Vergers et l’agence SARM, qui voulaient que les futurs locataires puissent profiter de la vue qu’offre le site d’implantation (sur les monts du Forez), et le bureau d’études thermiques Oteis ITF, attaché aux exigences inhérentes au label Passivhaus. « Il y a eu concertation entre les architectes et le BE avant même le premier coup de crayon, précise d’emblée Alexandre Decornet, directeur de l’agence Oteis ITF, et la conception de l’enveloppe thermique dans les règles de la construction passive est passée avant la mise en oeuvre des systèmes. Par ailleurs, il faut abandonner l’idée selon laquelle une configuration de bâtiment compact, des murs de forte épaisseur et des petites fenêtres constituent la panacée ! » Une vision en adéquation avec celle de l’Atelier des Vergers et de l’Agence SARM, qui attachent une grande importance au rendu architectural de leurs projets.
Pour donner corps à cette intention commune, l’équipe de conception a choisi une structure béton, sur laquelle ont été rapportés des murs rideaux à ossature bois et des casquettes sur les balcons orientés au sud. « Concevoir cette façade avec ses décrochés a demandé du “jus de cervelle”, ainsi que l’emploi d’outils de simulation dynamique », se souvient Alexandre Decornet. Le but étant de tirer le meilleur parti des apports solaires et de limiter le recours aux équipements.
UNE CHAUDIÈRE GAZ DE « SEULEMENT » 35 KW
Sur le plan strictement énergétique, les porteurs de projet devaient composer avec une contrainte supplémentaire : « Le label Passivhaus ne pondère pas les critères en fonction de l’altitude, indique Cédric Couffignal, ingénieur Énergie et Environnement au sein de Synergie Habitat, assistant à la maîtrise d’ouvrage. Or, Saint-Héand est une commune des coteaux des monts du Lyonnais, et la résidence est située à environ 650 m d’altitude. Le site affiche donc plus de DJU (degrés jours unifiés) qu’un site en plaine. »
Pour autant, à l’issue d’une étude énergétique multicritère, c’est une solution plutôt traditionnelle qui a été choisie, en cohérence avec la volonté affichée de reproductibilité et un réalisme économique global. « L’énergie gaz était disponible, ce qui nous rassurait, dans le sens où cela nous permettait de recourir à des équipements pour lesquels nous avons un certain recul, souligne Sébastien Nguyen. Nous voulions réaliser une opération reproductible, notamment pour favoriser la maîtrise des charges. Le gaz est une énergie efficiente et, cela se retrouve dans les moteurs de calcul. » Solution traditionnelle certes, mais relativement atypique en définitive, puisque c’est une chaudière gaz à condensation de « seulement » 35 kW qui pourvoit aux besoins de chauffage et d’ECS des douze logements de la résidence. « Avec une chaudière de cette puissance, nous restions dans le cas d’une minichaufferie qui est bien moins contraignant au niveau réglementaire (parcours de la canalisation dans le bâtiment, sécurité incendie, dimensionnement du local, gestion des accès, règle de ventilation) », signale Sébastien Nguyen. Pour rappel, le référentiel Passivhaus limite les besoins calorifiques à 15 kWh/m².an. Dans la résidence de la Galachère, l’isolation thermique des parois a été réalisée à la fois par l’intérieur (à l’aide de 8,5 cm de laine de verre) et par l’extérieur (avec 20 cm de polystyrène). Les menuiseries ont été réalisées en triple vitrage mixte bois-aluminium qui présente un excellent Uw et une pérennité garantie par l’aluminium en extérieur.
Pour la fourniture d’ECS, la chaudière gaz est associée à un système solaire thermique comprenant 18 m² de capteurs et un ballon de stockage solaire de 1 000 litres. « Concernant un projet de bâtiment passif, c’est la production d’ECS qui devient dimensionnante, remarque Sébastien Nguyen. Nous avons donc intégré du solaire thermique au projet, d’autant que le BE Oteis ITF est un spécialiste en la matière. » Après correction d’un vice technique sur une vanne trois voies du circuit ECS, le taux de couverture solaire a pu atteindre les 45 % visés, selon Synergie Habitat. « En approche rapide, on peut supposer que le solaire a permis d’économiser 1 550 m3 de gaz en 2018. Sur la base du suivi réalisé pour l’année 2018, les consommations annuelles de gaz naturel se répartissent à 50-50 entre les besoins de chauffage et d’ECS », complète-t-il.
L’instrumentation des installations techniques de la résidence a permis d’identifier plusieurs voies d’amélioration. Ce fut le cas sur la production d’ECS : afin de maximiser les apports solaires, une vanne trois voies avait été prévue sur le retour du bouclage, pour permettre au circuit ECS d’être réchauffé par le ballon solaire lorsque la température de celui-ci est supérieure à la température de retour du circuit ECS. Mais cette vanne étant défectueuse, le ballon de stockage solaire était alimenté par le retour du circuit ECS, même lorsque la température de celui-ci était inférieure à celle du ballon de stockage. Heureusement, l’instrumentation a permis de constater la dégradation du rendement solaire et, à la fin, d’identifier le dysfonctionnement de cette vanne trois voies. Les mesures en temps réel ont également permis d’optimiser les consommations d’énergie, dues pour partie à des déperditions sur l’ensemble des points singuliers du circuit de distribution, ainsi que sur les portions de réseaux de chauffage et de ventilation passées dans les combles. Un renfort d’isolation sur ces réseaux et sur ces points singuliers (raccords, coudes, etc.) ont permis de gommer ces déperditions.
ÉMISSION PAR VECTEUR AIR SANS STRATIFICATION NI INCONFORT
Au sein des logements, l’émission de chaleur se fait par vecteur air, la résidence étant par ailleurs équipée d’un système de ventilation double flux (toujours dans le souci de tirer le meilleur parti des énergies disponibles). Dans chaque logement, le circuit de distribution de chauffage alimente la batterie chaude d’un caisson de répartition placé en plénum et en amont du circuit d’insufflation chargé d’alimenter chaque pièce de vie en air neuf à la température de consigne. L’air ambiant est chauffé pour atteindre une température pouvant varier entre 18 °C et 22 °C. Chaque appartement est doté d’un thermostat grâce auquel les locataires peuvent faire varier la température ambiante en ajustant le débit d’alimentation de la batterie chaude.
Il a été jugé préférable de rester au débit d’air neuf constant réglementaire, largement suffisant pour garantir les débits hygiéniques et calibré pour ne pas créer de sensation gênante pour les occupants. « C’était l’une de nos craintes, note Sébastien Nguyen, et le BE Oteis ITF a défini ce débit d’air afin de trouver le juste milieu entre le débit d’air neuf et les delta T acceptables. La vitesse d’air insufflé se situe autour de 1 m/s pour rester en dessous du seuil de sensibilité. » En moyenne, la température ambiante dans chaque logement est de 21,5 °C. Selon Cédric Couffignal, cette température est homogène au sein des pièces et le phénomène de stratification est négligeable. « C’est pourquoi nous avons travaillé avec la température de soufflage la plus basse possible ; ce qui au passage permet à la chaudière de mieux condenser. » L’insufflation d’air neuf se fait au moyen de multidiffuseurs à buses disposant d’une portée suffisante pour assurer un bon brassage de toute la pièce sans gaine. Les bouches de reprise sont quant à elles placées classiquement dans les pièces techniques (WC., cuisines, salles de bains).
Les températures de chaque logement font l’objet d’un monitoring régulier grâce à des thermostats d’ambiance placés dans les séjours (à 1,20 m de hauteur, sans expositions parasites). Il en est de même pour toute une série de paramètres instrumentés en chaufferie, au moyen de sondes de température, de compteurs de calories affectés au ballon solaire, au circuit de chauffage ainsi qu’au caisson de ventilation double flux. Les mesures, effectuées sur un pas de temps de 30 minutes, sont rapatriées sur une interface web. Pour ce projet, Loire Habitat n’avait pas initialement prévu de lot de commissionnement. À défaut, il a souhaité intégrer ce monitoring en cours de chantier, afin que l’entreprise de maintenance (Hervé Thermique) puisse en bénéficier, notamment au moyen d’alertes par e-mail en cas d’anomalie. « Le commissionnement est un élément essentiel pour l’optimisation des chaufferies après la mise en service de l’installation. Le bureau d’études Oteis ITF le propose sur chaque mission. Nous pouvons noter un intérêt croissant de la maitrise d’ouvrage pour le commissionnement au cours de ces dernières années », conclut Bruno Georges, de Oteis ITF.