Carte d'identité
C’est ce qui s'appelle un programme de construction d'avant-garde ! La résidence Néo, qui regroupe 58 logements (48 appartements en collectif et 10 maisons individuelles) sur la commune de Chanteloup- en-Brie, compte en effet parmi les opérations pilotes préfigurant la toute nouvelle réglementation énergétique RE2020, qui façonnera désormais les nouveaux projets de construction sur leur degré de performance énergétique, mais également environnementale. Suivant la volonté de l'aménageur EpaMarne de réaliser un programme à la fois ambitieux et vertueux, le maître d'ouvrage Expansiel Promotion - Groupe Valophis s'est donné pour objectif de concevoir la résidence Néo selon le cahier des charges du label E+C-, référentiel expérimental basé sur le volontariat et annonciateur de la nouvelle RE2020. Qui plus est, l'équipe à l'origine du projet a réussi le tour de force de hisser cette résidence au niveau E3C2 en recourant à l'énergie gaz pour le chauffage et la production d'eau chaude des 48 logements en collectif, répartis sur quatre bâtiments en R+2. Pour un coût de construction de 2 300 € HT /m² SHAB (parking inclus), ce qui en fait une opération parfaitement reproductible.
Une résidence inspirée par le Passivhaus
Un groupement mené sous la houlette du promoteur Expansiel Promotion, entité du Groupe Valophis et maître d'ouvrage de l'opération, s'est constitué à l'issue d'un concours lancé en 2016. Sa particularité : le rôle de mandataire a été endossé par Meha Charpentes, entreprise spécialisée dans la construction à ossature bois. Il incombait alors à cette entreprise de jouer le rôle d'entreprise générale lors de la phase d'exécution. Autour de Meha Charpentes se sont articulés les cabinets d'architectes M'Cub et A003 Architectes ainsi que plusieurs bureaux d'études, dont le BET fluides Maya Concept.
Au vu de l'ambition du projet en termes énergétique et environnemental, les architectes et bureau d'études thermiques ont adopté une approche « Passivhaus » (maison passive), très répandue outre-Rhin, et qui systématise un certain nombre de partis pris techniques : un mode constructif en ossature bois, une très haute performance énergétique de l'enveloppe, basée notamment sur une forte étanchéité à l'air, le recours au vecteur air pour la diffusion du chauffage ainsi que la récupération de chaleur sur air extrait. « Le référentiel Passivhaus impose un certain nombre de spécifications techniques, notamment le recours à la ventilation double-flux, complète Pierre Bersand, directeur technique de Maya Concept. Il s'agit d'un label qui met l'accent sur la très haute performance énergétique, tant sur l'enveloppe que sur les systèmes. Par conséquent, la ventilation double-flux constitue un indispensable. » Le respect d'un tel cahier des charges implique, entre autres, de porter une attention toute particulière à l'étanchéité à l'air de l'enveloppe. Pour qu'un bâtiment soit qualifié de passif, celle-ci ne doit pas dépasser 0,6 m3/h.m2 sous 4 Pascal. L'objectif étant, in fine, de réduire au maximum les besoins énergétiques (pour le chauffage ainsi que la production d'eau chaude sanitaire). Or, sur ce projet, l'étanchéité à l'air a été mesurée à 0,2 m3/h.m2, soit un score trois fois inférieur au niveau requis. Outre l'étanchéité à l'air, la réduction des ponts thermiques fait également partie des fondamentaux de la construction passive. Ce qui implique d'apporter un soin particulier à un certain nombre de points singuliers, particulièrement sujets aux déperditions thermiques. À titre d'exemple, des volets extérieurs ont été préférés aux coffres de volets roulants (fréquemment sujets aux ponts thermiques). Les bâtiments ont fait l'objet d'une isolation thermique (145 mm) répartie dans l'épaisseur des murs à ossature bois préfabriqués en usine, assortie d'une contre-isolation extérieure et intérieure. Et l'ensemble des menuiseries est en triple-vitrage.
En résulte un Bbio des plus performants, de 13,70 – un score inférieur de 80 % au Bbio qu'imposerait la RT2012. Les projections en termes de consommations sont tout aussi prometteuses : les calculs RT établis par le BET fixent le Cep total du projet à 26 kWh/m2.an, dont 7,5 kWh/m2.an pour le chauffage seul. Des projections qui vérifient un autre adage régulièrement associé à la construction Passivhaus : la production d'ECS devient le premier poste de consommation, devant la production de chauffage : « Quelles que soient les méthodes de conception, l'ECS devient un poste incompressible, que l'on peut difficilement optimiser », souligne Pierre Bersand.
Afin de bonifier le score « carbone » du projet dans le cadre du label E+C-, le véritable ennemi portait un nom : béton ! En effet, bien que le plus grand soin ait été apporté au choix des matériaux, pour beaucoup biosourcés, leur impact sur le bilan carbone du projet n'aurait pas été aussi déterminant si le programme avait prévu un parking enterré. Un écueil que l'équipe de maîtrise d’oeuvre a su éviter : 60 places de parking sur les 110 disponibles sont semi-enterrées (sans dalle de sol). De même, des économies de carbone ont été obtenues au niveau de la couche de fondation des bâtiments : la terre a été compactée et traitée à la chaux de façon à la stabiliser, afin qu'elle serve de couche de fondation en lieu et place d'un enrobé.
Regards croisés
Le choix inédit du gaz en construction passive
En construction passive, les systèmes thermodynamiques ont souvent la part belle. Dès lors, le choix du gaz naturel comme source d'énergie pour la production de chauffage et d'ECS peut surprendre. Son implémentation dans le projet Néo relève même du défi, selon Pierre Bersand. En effet, le gaz en tant qu'énergie primaire est rarement le premier choix dans le cadre d'une labellisation E+C- en raison de son contenu carbone. Initialement, l'équipe de maîtrise d’œuvre, en accord avec le maître d'ouvrage, ambitionnait de valoriser une énergie renouvelable. En l'espèce, une solution en aquathermie – basée sur une pompe à chaleur eau/eau – avait été envisagée, s’appuyant sur la présence d'une nappe aquifère à proximité de la zone d'implantation de la résidence. Une solution qui s'est finalement avérée trop onéreuse : « Des études hydrogéologiques préliminaires avaient été faites sur une base documentaire, donnant une ressource à 50 m, relate Pierre Bersand. Sur la base d'études plus approfondies, nous nous sommes rendu compte qu'il nous aurait fallu creuser autour des 150 m de profondeur... » À raison d'un coût d'environ 2 000 € par mètre foré, l'option « aquathermie » a finalement été écartée.
De fait, une solution gaz s'est rapidement imposée : compétitive en termes de coût comme de compacité, elle pouvait se fondre facilement dans un mode constructif passif sans porter préjudice au niveau de la performance énergétique « E3 » du projet, sous réserve de l’associer à une installation solaire photovoltaïque (72 kWc de puissance installée, répartis sur deux bâtiments). « Le BET Maya a fait preuve de beaucoup de dextérité pour intégrer le gaz dans cette opération, la première du genre », se félicite Karine Augustin, directrice de programmes au sein du Groupe Valophis. Dans la mesure où une solution de chauffage basée sur l'énergie gaz pouvait se fondre dans le cahier des charges Passivhaus, sans qu'il soit besoin de prévoir d'imposants circuits de distribution (pouvant nuire à l'étanchéité globale des édifices), ni même de radiateurs (l'émission se faisant par vecteur air).
Des chaudières individuelles en guise de chauffage collectif
Les six bâtiments alimentés en gaz naturel sont dotés d'un total de six chaudières de seulement 20 kW de puissance unitaire. Du fait des besoins réduits des bâtiments en énergie, il a en effet été possible d'employer des chaudières individuelles en guise de chaudières collectives : chaque chaudière prend en charge l'alimentation en chauffage et en ECS de huit logements. Elles sont installées dans des chaufferies compactes en rez-de-chaussée (superficie 11 m² ), dans lesquelles sont également remisés des ballons de stockage de 1 000 l de capacité, ainsi que les centrales double-flux dotées d'échangeurs à plaques (affichant un rendement de 88 %). Les ballons de stockage sont dévolus à la fourniture d'ECS ; la température de consigne qui leur est affectée est de 60 °C.
La distribution de chauffage se fait via un circuit hydraulique central, alimentant les batteries d'eau chaude situées en faux plafond à l'entrée de chaque logement. Ces batteries sont raccordées au réseau aéraulique – également logé dans le faux plafond – auquel elles cèdent les calories fournies par le réseau hydraulique, afin de chauffer l'air neuf selon la consigne de température. Les batteries chaudes sont asservies à un thermostat d'ambiance grâce auquel les occupants peuvent faire varier la température ; un servomoteur piloté par le thermostat fait varier le débit d'eau au sein de la batterie chaude en fonction des besoins de chauffage. De même, le servomoteur contrôle les registres motorisés, permettant de gérer les débits au niveau des bouches de soufflage et d'extraction. « Les bouches de soufflage sont situées au-dessus des portes des pièces de vie, précise Stéphane Cochet, co-fondateur du cabinet A003 Architectes. La vitesse d'air est strictement inférieure à 1 m/s. Des pièges à sons permettent de maintenir le niveau sonore du soufflage à 25 dB. » Le réseau de distribution aéraulique répond à la fois aux impératifs de performance énergétique et de performance acoustique : d'une étanchéité vérifiée sur site (au même titre que l'enveloppe de chaque bâtiment), ils sont constitués de gaines semi-rigides, de façon à atténuer les vibrations.