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Réalisation

Quand le gaz s’invite dans une construction passive !

Mis à jour le
3.2/5 (5 avis)

S'appuyant sur les fondamentaux de la construction passive à ossature bois, la résidence Néo s’élève à Chanteloup-en-Brie (Seine-et-Marne). Regroupant une cinquantaine de logements en accession sociale, elle réussit le tour de force de limiter son empreinte carbone tout en recourant au gaz naturel en tant qu'énergie primaire. Et de s’élever, grâce au photovoltaïque, au niveau E3C2 !

Carte d'identité

Date des travaux :
Livraison Septembre 2021
Superficie :
2 943 m2 SHAB
Maître d'ouvrage : Expansiel Promotion – Groupe Valophis
Architecte : A003 Architectes/ M’Cub
Bureau d'études thermiques : Maya Concept
Consommations observées : 26 kWh/m2.an Cep RT2012
Résidence Néo à Chanteloup-en-Brie
Résidence Néo à Chanteloup-en-Brie

C’est ce qui s'appelle un programme de construction d'avant-garde ! La résidence Néo, qui regroupe 58 logements (48 appartements en collectif et 10 maisons individuelles) sur la commune de Chanteloup- en-Brie, compte en effet parmi les opérations pilotes préfigurant la toute nouvelle réglementation énergétique RE2020, qui façonnera désormais les nouveaux projets de construction sur leur degré de performance énergétique, mais également environnementale. Suivant la volonté de l'aménageur EpaMarne de réaliser un programme à la fois ambitieux et vertueux, le maître d'ouvrage Expansiel Promotion - Groupe Valophis s'est donné pour objectif de concevoir la résidence Néo selon le cahier des charges du label E+C-, référentiel expérimental basé sur le volontariat et annonciateur de la nouvelle RE2020. Qui plus est, l'équipe à l'origine du projet a réussi le tour de force de hisser cette résidence au niveau E3C2 en recourant à l'énergie gaz pour le chauffage et la production d'eau chaude des 48 logements en collectif, répartis sur quatre bâtiments en R+2. Pour un coût de construction de 2 300 € HT /m² SHAB (parking inclus), ce qui en fait une opération parfaitement reproductible.

Centrale  double-flux dotée  d'échangeurs à  plaques
Centrale double-flux dotée d'échangeurs à plaques

Une résidence inspirée par le Passivhaus

Un groupement mené sous la houlette du promoteur Expansiel Promotion, entité du Groupe Valophis et maître d'ouvrage de l'opération, s'est constitué à l'issue d'un concours lancé en 2016. Sa particularité : le rôle de mandataire a été endossé par Meha Charpentes, entreprise spécialisée dans la construction à ossature bois. Il incombait alors à cette entreprise de jouer le rôle d'entreprise générale lors de la phase d'exécution. Autour de Meha Charpentes se sont articulés les cabinets d'architectes M'Cub et A003 Architectes ainsi que plusieurs bureaux d'études, dont le BET fluides Maya Concept.

Au vu de l'ambition du projet en termes énergétique et environnemental, les architectes et bureau d'études thermiques ont adopté une approche « Passivhaus » (maison passive), très répandue outre-Rhin, et qui systématise un certain nombre de partis pris techniques : un mode constructif en ossature bois, une très haute performance énergétique de l'enveloppe, basée notamment sur une forte étanchéité à l'air, le recours au vecteur air pour la diffusion du chauffage ainsi que la récupération de chaleur sur air extrait. « Le référentiel Passivhaus impose un certain nombre de spécifications techniques, notamment le recours à la ventilation double-flux, complète Pierre Bersand, directeur technique de Maya Concept. Il s'agit d'un label qui met l'accent sur la très haute performance énergétique, tant sur l'enveloppe que sur les systèmes. Par conséquent, la ventilation double-flux constitue un indispensable. » Le respect d'un tel cahier des charges implique, entre autres, de porter une attention toute particulière à l'étanchéité à l'air de l'enveloppe. Pour qu'un bâtiment soit qualifié de passif, celle-ci ne doit pas dépasser 0,6 m3/h.m2 sous 4 Pascal. L'objectif étant, in fine, de réduire au maximum les besoins énergétiques (pour le chauffage ainsi que la production d'eau chaude sanitaire). Or, sur ce projet, l'étanchéité à l'air a été mesurée à 0,2 m3/h.m2, soit un score trois fois inférieur au niveau requis. Outre l'étanchéité à l'air, la réduction des ponts thermiques fait également partie des fondamentaux de la construction passive. Ce qui implique d'apporter un soin particulier à un certain nombre de points singuliers, particulièrement sujets aux déperditions thermiques. À titre d'exemple, des volets extérieurs ont été préférés aux coffres de volets roulants (fréquemment sujets aux ponts thermiques). Les bâtiments ont fait l'objet d'une isolation thermique (145 mm) répartie dans l'épaisseur des murs à ossature bois préfabriqués en usine, assortie d'une contre-isolation extérieure et intérieure. Et l'ensemble des menuiseries est en triple-vitrage.

En résulte un Bbio des plus performants, de 13,70 – un score inférieur de 80 % au Bbio qu'imposerait la RT2012. Les projections en termes de consommations sont tout aussi prometteuses : les calculs RT établis par le BET fixent le Cep total du projet à 26 kWh/m2.an, dont 7,5 kWh/m2.an pour le chauffage seul. Des projections qui vérifient un autre adage régulièrement associé à la construction Passivhaus : la production d'ECS devient le premier poste de consommation, devant la production de chauffage : « Quelles que soient les méthodes de conception, l'ECS devient un poste incompressible, que l'on peut difficilement optimiser », souligne Pierre Bersand.

Limiter le recours au béton pour réduire l'empreinte carbone

Afin de bonifier le score « carbone » du projet dans le cadre du label E+C-, le véritable ennemi portait un nom : béton ! En effet, bien que le plus grand soin ait été apporté au choix des matériaux, pour beaucoup biosourcés, leur impact sur le bilan carbone du projet n'aurait pas été aussi déterminant si le programme avait prévu un parking enterré. Un écueil que l'équipe de maîtrise d’oeuvre a su éviter : 60 places de parking sur les 110 disponibles sont semi-enterrées (sans dalle de sol). De même, des économies de carbone ont été obtenues au niveau de la couche de fondation des bâtiments : la terre a été compactée et traitée à la chaux de façon à la stabiliser, afin qu'elle serve de couche de fondation en lieu et place d'un enrobé.

Regards croisés

     Nous avons cumulé beaucoup d'innovations sur cette opération, en limitant le poids carbone du projet, en adoptant un mode constructif en ossature bois, en recourant au solaire photovoltaïque, ainsi qu'à des matériaux biosourcés... De fait, ce projet s'avère innovant et exemplaire, mais il fut ardu de le concrétiser. En effet, au stade initial du projet, nous disposions de peu de savoir-faire pour le mener à bien. Nous sommes tous montés en compétences et avons appris énormément.
Karine Augustin
Groupe Valophis
     En termes de conception bioclimatique, on notera que plus de 65 % des logements de la résidence sont traversants, des brise-soleil ont été préconisés sur les balcons, tous les volets sont ajourés, à la fois pour laisser entrer la lumière et ne pas surchauffer en été [au contraire de volets roulants opaques] et les bardages bois des parois sont naturellement ventilés. Les menuiseries sont en triple-vitrage, les murs renferment de la laine de verre sans formaldéhyde, en grande partie recyclée... Par ailleurs, les déchets sur chantier ont été limités grâce au recours d'éléments préfabriqués en usine. Et nous sommes parvenus à limiter les excavations de terre, même si le poste VRD a représenté quelque 13 % du coût total de l'opération. Néanmoins, ce type d'opération, dont le coût de construction est inférieur à 2 000 €/m2, est tout à fait reproductible.
Stéphane Cochet
A003 Architectes
     Nous avons travaillé en collaboration avec les cabinets d'architecture dès la phase de concours. En tant que référent sur la conception passive, Stéphane Cochet [co-fondateur du cabinet A003 Architectes] était très au fait de la construction en ossature bois. Nous avons ainsi pu travailler très tôt sur un carnet de détails, faisant des focus sur les points singuliers des enveloppes, afin d'adapter le projet en conséquence, notamment sur l'épaisseur des isolants, les parements extérieurs (enduits ou bardages), les appuis de fenêtres... Nous nous sommes efforcés de traiter tous les points singuliers, en particulier les ponts thermiques : au niveau des balcons (tenus par deux points d'accroche et un tirant, afin de limiter les contacts avec la structure), des seuils de portes en rez-de-chaussée, des cages d'ascenseur (isolées jusqu'au sous-sol, étanches et ventilées par la ventilation doubleflux de chaque bâtiment et non par une ouverture en partie haute de l'édicule).
Pierre Bersand
Maya Concept
Chaufferies compactes  de la résidence (superficie 11 m²)
Chaufferies compactes de la résidence (superficie 11 m²)

Le choix inédit du gaz en construction passive

En construction passive, les systèmes thermodynamiques ont souvent la part belle. Dès lors, le choix du gaz naturel comme source d'énergie pour la production de chauffage et d'ECS peut surprendre. Son implémentation dans le projet Néo relève même du défi, selon Pierre Bersand. En effet, le gaz en tant qu'énergie primaire est rarement le premier choix dans le cadre d'une labellisation E+C- en raison de son contenu carbone. Initialement, l'équipe de maîtrise d’œuvre, en accord avec le maître d'ouvrage, ambitionnait de valoriser une énergie renouvelable. En l'espèce, une solution en aquathermie – basée sur une pompe à chaleur eau/eau – avait été envisagée, s’appuyant sur la présence d'une nappe aquifère à proximité de la zone d'implantation de la résidence. Une solution qui s'est finalement avérée trop onéreuse : « Des études hydrogéologiques préliminaires avaient été faites sur une base documentaire, donnant une ressource à 50 m, relate Pierre Bersand. Sur la base d'études plus approfondies, nous nous sommes rendu compte qu'il nous aurait fallu creuser autour des 150 m de profondeur... » À raison d'un coût d'environ 2 000 € par mètre foré, l'option « aquathermie » a finalement été écartée.

De fait, une solution gaz s'est rapidement imposée : compétitive en termes de coût comme de compacité, elle pouvait se fondre facilement dans un mode constructif passif sans porter préjudice au niveau de la performance énergétique « E3 » du projet, sous réserve de l’associer à une installation solaire photovoltaïque (72 kWc de puissance installée, répartis sur deux bâtiments). « Le BET Maya a fait preuve de beaucoup de dextérité pour intégrer le gaz dans cette opération, la première du genre », se félicite Karine Augustin, directrice de programmes au sein du Groupe Valophis. Dans la mesure où une solution de chauffage basée sur l'énergie gaz pouvait se fondre dans le cahier des charges Passivhaus, sans qu'il soit besoin de prévoir d'imposants circuits de distribution (pouvant nuire à l'étanchéité globale des édifices), ni même de radiateurs (l'émission se faisant par vecteur air).

Chaudière de 20 kW assurant le chauffage et l'ECS de huit logements
Chaudière de 20 kW

Des chaudières individuelles en guise de chauffage collectif

Les six bâtiments alimentés en gaz naturel sont dotés d'un total de six chaudières de seulement 20 kW de puissance unitaire. Du fait des besoins réduits des bâtiments en énergie, il a en effet été possible d'employer des chaudières individuelles en guise de chaudières collectives : chaque chaudière prend en charge l'alimentation en chauffage et en ECS de huit logements. Elles sont installées dans des chaufferies compactes en rez-de-chaussée (superficie 11 m² ), dans lesquelles sont également remisés des ballons de stockage de 1 000 l de capacité, ainsi que les centrales double-flux dotées d'échangeurs à plaques (affichant un rendement de 88 %). Les ballons de stockage sont dévolus à la fourniture d'ECS ; la température de consigne qui leur est affectée est de 60 °C.

Ballon de stockage dévolu à la fourniture d'ECS. Température de consigne de 60 °C.
Ballon de stockage dévolu à la fourniture d'ECS.

La distribution de chauffage se fait via un circuit hydraulique central, alimentant les batteries d'eau chaude situées en faux plafond à l'entrée de chaque logement. Ces batteries sont raccordées au réseau aéraulique – également logé dans le faux plafond – auquel elles cèdent les calories fournies par le réseau hydraulique, afin de chauffer l'air neuf selon la consigne de température. Les batteries chaudes sont asservies à un thermostat d'ambiance grâce auquel les occupants peuvent faire varier la température ; un servomoteur piloté par le thermostat fait varier le débit d'eau au sein de la batterie chaude en fonction des besoins de chauffage. De même, le servomoteur contrôle les registres motorisés, permettant de gérer les débits au niveau des bouches de soufflage et d'extraction. « Les bouches de soufflage sont situées au-dessus des portes des pièces de vie, précise Stéphane Cochet, co-fondateur du cabinet A003 Architectes. La vitesse d'air est strictement inférieure à 1 m/s. Des pièges à sons permettent de maintenir le niveau sonore du soufflage à 25 dB. » Le réseau de distribution aéraulique répond à la fois aux impératifs de performance énergétique et de performance acoustique : d'une étanchéité vérifiée sur site (au même titre que l'enveloppe de chaque bâtiment), ils sont constitués de gaines semi-rigides, de façon à atténuer les vibrations.

MA NOTE