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Contexte
La réhabilitation de la copropriété Lançon-Rungis, dans le 13e arrondissement de Paris, apporte la preuve qu’un programme de rénovation thermique ambitieux peut tout à fait s’inscrire dans des travaux d’entretien classiques planifiés de longue date, avec un surcoût maîtrisé. La clé de la réussite repose sur la préparation en amont. Pour ce faire, les copropriétaires ont bénéficié, grâce au concours de la société Énergies Posit’if, du support du bureau d’études Pouget Consultants et des cabinets Équateur et ZA Consulting rodés à ce type de réhabilitation.
« Nous planifions nos chantiers sur une période de 12 mois, limite acceptable pour les copropriétaires. Nous consacrons deux mois à la préparation de chantier - examen des plans avec les entreprises, installation des cabanons, état des lieux dans chacun des logements, et deux autres mois pour la réception du chantier en passant dans les appartements », détaille Florent Loussouarn, chargé d’affaires du BE Pouget Consultants sur ce programme de rénovation. Malgré ce temps de préparation, nous avons dû faire face à un retard de plusieurs semaines causé par l’isolation thermique des deux pignons qui a nécessité un droit d’empiétement sur les parcelles voisines auprès des copropriétés concernées… Ce ne fut pas le seul imprévu dans la feuille de route initialement établie mais au final, le chantier, livré en décembre 2016, se sera étalé sur 14 mois au lieu des 12 attendus.
Objectif BBC
Au fil du montage financier, l’objectif d’une rénovation de niveau BBC – consommation inférieure à 150 kWhep/m2/an – a été entériné par la copropriété. Ce niveau de performance, outre qu’il augmente la valeur immobilière du bien, permet en effet de débloquer des aides régionales et d’améliorer le temps de retour sur investissement du projet. Cet objectif a été structurant dans le choix des solutions et des matériaux. « Pour l’isolation thermique par l’extérieur (ITE), j’ai fixé avec l’architecte une exigence en termes de résultat, indique encore Florent Loussouarn. La maîtrise d’oeuvre a donc compilé l’ensemble des exigences relatives à l’ITE (notamment le niveau d’isolation acoustique) tout en garantissant à l’ITE une résistance “thermique BBC-compatible”. » Cette exigence s’est traduite par une couche de laine de roche de 16 cm d’épaisseur sous enduit. Le bardage initialement proposé par l’architecte a finalement été écarté par la copropriété, afin de rentabiliser plus rapidement l’investissement total. Les ponts thermiques ont été traités, notamment au niveau des tableaux de menuiseries, ainsi qu’en toiture -terrasse au niveau des acrotères.
S’agissant des menuiseries, toutes celles d’origine, en simple vitrage, ont été remplacées. Les copropriétaires qui avaient déjà investis dans des doubles vitrages ont pu les conserver, à condition que leur investissement ait moins de 15 ans. Au global, les 30 % de simples vitrages d’origine, auxquels s’ajoutent 10 % de doubles vitrages de plus de 15 ans ont ainsi été remplacés par des menuiseries double vitrage sur la totalité des menuiseries. Enfin, Marc Bernard, l’architecte du projet pour le cabinet Équateur, a conçu des balcons pour les propriétaires qui le souhaitaient.
Le gaz préféré au chauffage urbain
La rénovation de la chaufferie était également à l’ordre du jour (voir le verbatim de Michel Riou). Celle-ci présentait la particularité d’être située en toiture et non en sous-sol. « Nous avons procédé à une étude technico-économique afin de déterminer la meilleure option entre une solution gaz (avec éventuellement un appoint solaire) et une solution en chauffage urbain », détaille Florent Loussouarn.
En effet, la copropriété est située dans un secteur desservi par le réseau de la CPCU (Compagnie parisienne de chauffage urbain). Un nouveau local chaufferie aurait pu être réalisé mais le coût global a fait pencher la balance en faveur de la conservation de la chaufferie en toiture-terrasse. « Il n’était absolument pas envisageable de mettre en place des réseaux d’eau surchauffée gagnant la toiture, poursuit Florent Loussouarn. Retenir la solution en chauffage urbain aurait forcément impliqué de recréer une sous-station en pied d’immeuble. » Une solution gaz en remplacement des deux chaudières fioul s’est donc imposée assez naturellement.
Un guichet unique pour le montage financier
En plus de son rôle de coordinateur de la maîtrise d’oeuvre – et donc d’interlocuteur unique vis-à-vis du maître d’ouvrage – la SEM Énergies Posit’if a pris à son compte le montage financier, notamment en sollicitant tous les types d’aides potentiellement mobilisables. Ainsi, sur le million d’euros (hors ouvrages sur des balcons) qu’ont coûté les travaux, les subventions et les aides ont représenté quelque 500 000 euros. Une enveloppe abondée par des aides collectives, telles que le fonds Coprodurable, réparti entre les copropriétaires aux tantièmes, mais aussi des aides individuelles octroyées par l’Anah, la Ville de Paris, sans oublier le Crédit d’impôt pour la transition énergétique. Pour financer le reste à charge, les copropriétaires qui le souhaitaient ont pu bénéficier d’un prêt à taux bonifié accordé par Domofinance.
Du solaire en appoint
En lieu et place des deux anciennes chaudières fioul (2 x 214 kW), trois chaudières murales à condensation ont été installéesven cascade (60 kW de puissance unitaire). Le gain de place qui s’en est suivi ne cesse pas de surprendre les copropriétaires et l’architecte ! Bien entendu, la puissance installée a été calibrée pour répondre aux besoins après réhabilitation de l’enveloppe du bâtiment.
L’énergie solaire a également été retenue dans le cadre de l’étude préalable, afin d’atteindre plus facilement le niveau BBC, tout en autorisant des économies de charges sur la production d’eau chaude sanitaire (ECS). Pouget Consultants a mené une enquête auprès des occupants, afin d’évaluer les soutirages d’ECS au sein de la copropriété et de ne pas surdimensionner le système solaire. « Le syndic de copropriété a été en mesure de nous remettre les procès-verbaux de répartition de charges sur plusieurs années », précise Florent Loussouarn.
Et, pour éviter les surchauffes estivales, des capteurs solaires autovidangeables ont été préconisés (25 m2 de surface installée). Le taux de couverture solaire estimé est à 35 %. Au sein des logements, l’émission de chaleur se fera toujours via les planchers chauffants d’origine, jugés en bon état ; un simple désembouage a été effectué. Avec l’aval du conseil syndical, la température de consigne en hiver a été fixée à 20 °C. Les besoins thermiques ont été calculés avec l’exploitant pour chacune des façades en conséquence. S’il n’a pas été possible d’introduire une régulation de température pièce par pièce, les réseaux de distribution ont fait l’objet d’un rééquilibrage (remplacement des pieds de colonnes montantes et des coudes de réglage au départ des planchers chauffants).
Une vraie garantie de résultats
En vue de mettre en place un suivi des consommations, six appartements ont été équipés d’une sonde de température (soit, pour chacune des deux façades donnant sur rue : un logement en rez-de-chaussée, un en étage courant et un au dernier étage). Les équipements sont également suivis, grâce notamment à des calorimètres posés en sortie de chaufferie et au niveau des capteurs solaires. Les consommations de gaz sont également mesurées, afin de pouvoir calculer les rendements des chaudières.
Ce suivi doit servir de socle à la mise en place d’un nouveau contrat d’exploitation incluant une garantie de résultats (avec intéressement pour l’exploitant). Précision d’importance, cette garantie de résultats doit prendre effet sur la base de mesures effectuées après une période de commissionnement de quelques mois, visant à optimiser le réglage des différents équipements (chaudières, panneaux solaires, équilibrage des circuits hydrauliques, etc.). Ce ne sera qu’après le commissionnement assuré, puis plusieurs mois d’observation des consommations énergétiques, que prendra effet la garantie de résultats.
« Ce qui est intéressant ici, c’est de partir de niveaux de consommation réels, pour y adosser une garantie se rapprochant d’un Contrat de Performance Énergétique (CPE), souligne Florent Loussouarn. L’avantage, c’est qu’il n’est plus besoin d’appliquer des coefficients de correction et d’inclure des marges de sécurité dans les calculs théoriques [comme cela se fait dans le cadre d’un CPE]. » Une manière de sanctuariser les économies promises par les travaux de rénovation accomplis, tout en rassurant l’exploitant, qui s’engage sur des bases validées empiriquement, après la période de rodage des installations.