Au-delà des performances énergétiques, le bilan carbone se situera au coeur de la future réglementation environnementale du bâtiment neuf (RE 2020), comme il est déjà au coeur de la méthodologie « Énergie positive et réduction Carbone » (E+C-). Dès 2017, afin d’anticiper d’éventuelles difficultés (méthode de calcul, niveaux d’exigence, etc.) et de faciliter la mise en application de la RE 2020, l’Ademe a lancé le programme Objectif Bâtiment Énergie-Carbone (OBEC). Dans chacune des treize régions métropolitaines, ce programme s’est nourri d’une vingtaine d’analyses du cycle de vie (ACV) en phase réception et de l’accompagnement d’une dizaine d’opérations en phase conception.
En Bretagne et Pays de la Loire, il s’est appuyé sur l’expertise du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) et du bureau d’études Tribu Énergie.
Les deux cabinets ont d’ailleurs produit un guide de repères méthodologiques sur la conduite d’une opération à faible impact carbone (voir encadré), guide qui a fait l’objet d’une relecture par un groupe de travail composé de maîtres d’ouvrage et de maîtres d’oeuvre de la région Pays de la Loire.
Production d'EnR obligatoire pour le niveau E3
Si certains résultats d’ACV étaient globalement prévisibles, d’autres en revanche ont surpris les experts comme les maîtres d’ouvrage. « Certaines opérations visant le label Passivhaus ont été seulement classées E2 », commente Didier Meaux, chef de projet Performances énergétiques et environnementales des bâtiments au Cerema Ouest. La preuve que la sobriété ne suffit pas pour franchir le seuil E3, mais qu’il faut recourir en plus à une production d’énergie renouvelable. Le chef de projet cite l’exemple de la partie enseignement d’un collège breton qui se classe E3 grâce à l’utilisation d’une pompe à chaleur gaz associée à des panneaux photovoltaïques.
Dans des logements collectifs, l’expérience montre qu’il est tout à fait possible d’atteindre le niveau E3 au moyen d’une chaudière à condensation gaz, à condition toutefois de l’associer à des panneaux photovoltaïques. « Dans la région Pays de la Loire, cinq des dix projets accompagnés accèdent au moins au niveau E3, se félicite pour sa part Tristan Le Ménahèze, chargé d’affaires chez Tribu Énergie. Étant donné qu’il faut pour cela diminuer les consommations de plus de 40 % dans le tertiaire* par rapport à la RT 2012, ce résultat n’était pas forcément attendu. » Dans cette expérience, le gaz permet généralement d’accéder au niveau E2, au prix d’un petit effort de conception sur l’enveloppe.
Un classement C2 difficile à atteindre
En ce qui concer ne le volet carbone, le gaz n’est pas davantage un obstacle au classement C1, même si l’ouvrage est réalisé en béton. « En effet, on estimait jusqu’à présent que l’énergie représentait, en moyenne, plus de la moitié du poids carbone sur l’ensemble du cycle de vie. Or, elle pèse pour moins d’un quart dans la majorité des projets que nous avons étudiés », relève Tristan Le Ménahèze.
Dans le même temps, le programme OBEC a mis en évidence la prépondérance du contributeur PCE (Produits de Construction et Équipements) dans ce bilan, en particulier dans le tertiaire (moins consommateur d’ECS que les logements). Les ACV révèlent par ailleurs que le lot 3 des projets (superstructure/maçonnerie) est souvent loin de représenter les 60 à 70 % de la contribution PCE que l’on imaginait jusque-là, et qu’il est par conséquent nécessaire de bien prendre en considération le détail de tous les lots en phase de conception, des toitures végétalisées aux bardages en passant par les revêtements de sol, etc.
« Les ossatures bois sont certes bien placées en ce qui concerne l’impact environnemental, mais les briques et le béton restent pertinents », estime le chargé d’affaires. « On s’est rendu compte qu’un bâtiment sobre en énergie n’était pas nécessairement performant sur le total du carbone », souligne de son côté Didier Meaux. Le programme OBEC montre ainsi que beaucoup d’ouvrages non conçus à l’origine comme des opérations E+C- n’atteignent même pas le niveau C1. En cause, une réflexion insuffisante lors du choix des produits, l’impact parfois considérable du lot VRD, mais aussi les conséquences de la méthode employée. En l’absence de données environnementales précises sur certains constituants (isolants biosourcés, panneaux photovoltaïques, etc.), l’ACV exige en effet l’application de valeurs par défaut très pénalisantes (de l’ordre de 30 %). « En accompagnement, nous avons par exemple eu le cas d’une crèche avec ossature bois et isolation paille qui n’a pas pu être mieux classée que C1 malgré sa qualité structurelle », mentionne l’expert du Cerema.
Pour Tristan Le Ménahèze, il serait d’ailleurs souhaitable de prévoir un palier intermédiaire entre C1 et C2, afin de ne pas décourager les maîtres d’ouvrage : « Si le niveau C1 est tout à fait accessible pour des bâtiments bien conçus, il n’en est pas de même pour le niveau C2...»
* 20 % dans le cas des logements.
Minimiser l’impact carbone à chaque étape du projet
• Sélection de l’équipe de maîtrise d’oeuvre : analyse des références et des qualifications environnementales et E+C- des candidats.
• Choix du projet : évaluation des solutions proposées (système constructif, matériaux, etc.).
• Esquisse et avant-projet sommaire (APS) : simulation E+C- de la solution de base et identification des variantes techniquement et économiquement réalisables sur les lots principaux.
• Avant-projet définitif (APD) et projet (PRO) : choix des variantes qui permettent de réduire l’impact carbone.
• Dossier de consultation des entreprises (DCE) : définition des caractéristiques environnementales des produits et équipements compatibles avec l’objectif E+C- ; la fourniture des FDES par les entreprises caractérisera la façon dont elles répondent au critère carbone.
• Réalisation : désignation d’un responsable chantier durable présent sur le site.
• Exploitation : suivi des performances par le gestionnaire, optimisation des réglages (eau, énergie, etc.).