Avec le modèle Vitovalor 300-P, lancé en juin 2017, Viessmann est le premier fabricant à commercialiser une pile à combustible sur le marché français. Cette technologie, appelée à devenir en Europe l’un des standards de demain, est déjà largement représentée au Japon, avec un parc de près de 250 000 machines installées depuis 2009 et 50 000 nouvelles références chaque année.
Le système vendu en France est d’ailleurs le fruit d’un partenariat avec Panasonic. La marque japonaise, qui compte dans son pays 70 000 produits à son actif, fournit le coeur de pile. Le reformeur, qui transforme le gaz en hydrogène, a été adapté aux caractéristiques du gaz naturel livré sur le marché européen. Les spécificités liées au réseau électrique ainsi que les pratiques d’installation (en intérieur, et non en extérieur comme au Japon) ont également été prises en compte.
53 systèmes testés en France
La pile à combustible est le fruit de plusieurs années de développement et de tests, en laboratoire, puis sur le terrain.
En France, 3 systèmes Viessmann ont été installés à Forbach dans le cadre du projet Epilog, soutenu par l’Ademe et porté par GRDF avec l’appui technique du Costic et du Engie Lab Crigen*. Cette expérimentation a validé la fiabilité et les performances de la pile en conditions réelles. Le rendement électrique peut atteindre 37 % PCI pour un rendement global de la pile de 88 % PCI. Soit un rendement sur énergie primaire de 140 % et une économie de 30 % (en Ep) par rapport à une production séparée (chaudière gaz à condensation et réseau électrique). Plusieurs évolutions ont été apportées au produit depuis l’expérimentation lorraine.
Plus largement, d’autres piles à combustible ont été testées en France dans le cadre du projet ene.field, lancé en 2012. Ce projet européen, d’une durée de cinq ans, associait neuf fabricants : Baxi Innotech, Bosch, Ceres Power, Dantherm, Elcore, Hexis, RBZ, SOFC Power et Vaillant dans douze pays. GRDF dispose ainsi d’un retour d’expérience sur l’installation de 53 systèmes, avec des résultats tout aussi concluants sur les 182 000 heures cumulées de fonctionnement, à date.
- Callux (2008 à 2015) : 500 piles à combustible installées en Allemagne.
- Ene.field (2012 à 2017) : 1 046 piles à combustible dans 12 pays européens, dont 53 systèmes en France.
- Epilog (2013 à 2015) : 3 piles à combustible installées à Forbach, en France.
- Pace (2016 à 2021) : successeur du projet ene.field qui a pour objectif l’installation de 2 600 piles à combustible en Europe, principalement en Allemagne. 4 fabricants y participent : Bosch, Viessmann, Solid Power et BDR Thermea Group (marque Senertec en Allemagne et De Dietrich en France).
Un marché cible : la maison existante
L’ensemble des tests a permis de définir le marché cible de la pile à combustible, à savoir la maison individuelle existante et, en mineur, des petits bâtiments tertiaires. Plusieurs raisons guident ce choix.
Tout d’abord, la puissance thermique totale du produit, limitée à 26 kW, la destine d’abord au résidentiel individuel. La régulation ne permet pas la mise en cascade de plusieurs piles avec un autre équipement (ou même une autre pile), ce qui empêche toute prescription pour des besoins thermiques plus élevés dans le collectif ou le petit tertiaire. Ce point devrait cependant évoluer à l’avenir. « Nous avons intégré cette demande pour le développement de nos futures générations de piles », indique ainsi Richard Cordonnier, product marketing manager chez Viessmann.
En outre, pour optimiser la pile, il faut avoir des besoins électriques suffisants (sinon, la part d’électricité produite non consommée sur le site part au réseau, ce qui obère la rentabilité de l’installation pour son propriétaire).Le choix de cibler le marché de la rénovation pour le moment est, quant à lui, lié à la réglementation thermique dans le neuf, qui ne permet pas à date la prise en compte de cette technologie.
Chauffage et production d'électricité
La pile à combustible couvre la base des besoins thermiques (1,1 kW) et délivre en fonctionnement une puissance électrique de 750 W, largement suffisante pour couvrir le talon électrique moyen d’une maison.
Grâce au relèvement à 50 °C de la température maximale de retour de la pile, cet équipement est mieux adapté aux différents types d’émetteurs. Il est ainsi possible d’alimenter un réseau de radiateurs existants en rénovation (40/60 °C). Pour mémoire, la version testée à Forbach ne fonctionnait qu’avec des émetteurs basse température et une température maximale de retour de 40 °C. Cependant, les meilleures performances sont atteintes avec des radiateurs basse température.
Le générateur doit s’arrêter de produire de l’électricité deux heures par jour pour régénérer le coeur de pile. Pour optimiser la production d’électricité, il faut veiller à caler cette période au plus bas des besoins électriques de la maison. En option, le fabricant propose un système enregistrant le profil de consommation de l’utilisateur pendant une semaine, pour caler au plus juste cet arrêt de production de deux heures.
Puissance thermique de la pile |
1,1 kW |
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Puissance électrique de la pile |
750 W |
Puissance thermique de la chaudière d'appoint |
2 modèles 8 à 19 kW 8 à 26 kW |
Capacité du ballon tampon |
130 litres |
Cycle de régénération de la pile |
2h par jour |
Evacuation des fumées |
Ventouse verticale ou horizontale (C1/C3) |
Température maximale de retour du coeur de pile |
50 °C |
Hauteur avec EVAPDC |
2 m |
Type de gaz naturel |
H et L |
Principe de fonctionnement
Le système Vitovalor 300-P intègre une pile à combustible, une chaudière gaz d’appoint, un module hydraulique, un ballon de stockage et un préparateur d’ECS.
- L’énergie thermique est stockée dans le ballon tampon de 170 litres (circuit bleu sur le schéma) qui préchauffe l’ECS et l’eau de retour du circuit chauffage (circuit vert pour le ballon d’ECS de 46 litres, circuit rouge pour le chauffage via un échangeur). La chaudière gaz apporte le complément de chauffage — si nécessaire au confort — et fournit l’appoint sanitaire (circuit vert, via un second échangeur). La température de départ du module pile (départ du circuit bleu vers le ballon de même couleur) est de 70 °C. Elle s’arrête de fonctionner quand la température de retour est supérieure à 50 °C ou, pour se régénérer, quand elle a fonctionné 22 heures en continu. Une fois que ce ballon (bleu) est chaud, la machine s’arrête. Un seul cycle marche-arrêt est possible par 24 heures.
- Cette pile de type PEMFC fonctionne à basse température (60 à 80 °C). Deux avantages à cela : un démarrage rapide et une forte tolérance aux nombreux cycles marche-arrêt sur l’année. La pile a besoin d’un hydrogène de qualité, ce qui impose un reformage exigeant pour le produire à partir du gaz naturel.
- La pile à combustible fonctionne selon le principe inverse de l’électrolyse de l’eau : à partir d’hydrogène (issu du gaz naturel) et d’oxygène, elle produit de la chaleur et de l’électricité et ne rejette que de l’eau. Le gaz naturel est transformé en un gaz riche en hydrogène dans le reformeur. Le coeur de pile produit chaleur et électricité. L’onduleur intégré transforme ensuite le courant continu produit en courant alternatif 50 Hz, utilisable dans le logement.
Installation et maintenance
La pile à combustible est livrée en deux blocs : chaudière et ballons, d’une part, pile à combustible et ses composants, (reformeur, coeur de pile et onduleur) d’autre part.
Les dimensions – hauteur de 2 m et surface limitée à 1 m2 au sol – facilitent l’implantation. Les deux modules sont reliés par l’intermédiaire de flexibles. L’installation est mise en place en une demi-journée. L’intervention est réalisée par un chauffagiste formé par le fabricant.
Pour le lancement de cette technologie, le prix de la Vitovalor 300-P est d’environ 13 000 euros HT.
Lors de l’installation, un point de vigilance concerne l’évacuation des produits de combustion. En effet, les deux modules sont raccordés en cascade et partagent un même conduit d’EVAPDC. Le bloc pile doit toujours être placé en amont du bloc chaudière, dans le sens de l’évacuation des produits de combustion. En effet, l’eau utilisée pour le process de reformage récupère et utilise les condensats produits par le coeur de pile. Tout risque de pollution de cette eau par les condensats de la chaudière à condensation est ainsi évité.
Conformément à la réglementation en vigueur, un entretien annuel de la chaudière gaz doit être réalisé par un professionnel compétent. Un entretien complémentaire du module pile est effectué par le fabricant. Tous les deux ans, l’eau distillée utilisée pour le process du coeur de pile doit être remplacée, et les deux filtres (à air et à eau) changés. Cette maintenance se complète, tous les cinq ans, avec le remplacement des deux sondes (monoxyde de carbone et méthane). Le coût de cette prestation varie en fonction de la durée (environ 400 euros par an).