Dans un contexte où la part du chauffage des bâtiments diminue de plus en plus, l’eau chaude sanitaire prend une part croissante dans les consommations d’énergie des logements récents. Les habitudes sont tellement différentes d’un usager à un autre qu’il est difficile de la réduire. La seule voie pour limiter les consommations d’ECS consiste donc à améliorer la performance des systèmes de production... en luttant contre certains a priori.
Parmi eux, au moins deux raisons conduisent à penser que la condensation n’est pas possible en eau chaude sanitaire : le bouclage et la méthode de dimensionnement elle-même.
BOUCLAGE
Indispensable au confort et pour répondre aux enjeux sanitaires, ce débit permanent situé autour de 51 °C qui revient à la chaufferie freine la condensation. Pour le combattre, la chaudière doit monter en température (par rapport à sa température de chauffage), ce qui va à l’encontre des retours « froids » nécessaires à la condensation.
Comme le retour de boucle est dimensionné pour assurer une vitesse de 0,2 m/s minimum dans les canalisations de retour, ce sont donc environ 90 litres/heure par colonne qui reviennent vers la chaufferie (selon le matériau utilisé).
LA MÉTHODE DE DIMENSIONNEMENT
Tous les logiciels actuels s’appuient sur la méthode AICVF 2004 qui définit une pointe 10 minutes mais aussi une pointe pluri-horaire durant laquelle 75 % du besoin d’ECS journalier est consommé. Cette seconde pointe, s’étalant sur un temps pluri-horaire relativement court, ne dépasse pas 4,5 h même pour un très gros immeuble (rappel de la formule en version digitale). La méthode conduit donc à construire un profil de puisage avec une pointe le matin et une le soir, et peu d’usage entre ces deux périodes. Elle laisse sous-entendre que les moments sans puisage durant lesquels la chaudière ne doit que combattre les pertes de bouclage sont importants.
En juillet 2016, l’Ademe a publié un guide qualifiant de façon plus précise le réel besoin d’un immeuble de logements. Appuyé sur de nombreuses instrumentations, il montre que, même si un pic existe toujours, le besoin en résidentiel ne se limite pas à un simple pic de puisage le matin et un autre le soir et qu’il est mieux réparti dans la journée. Toutefois, les données sont peu nombreuses pour pouvoir qualifier aussi finement le besoin d’ECS en tertiaire. En effet, le profil avec des pics de puisage matin et soir doit subsister, en hôtellerie d’affaires notamment. Ce bouclage serait-il la cause de tous les maux de l’eau chaude sanitaire ? Cegibat propose quelques pistes, non exhaustives pour en limiter les effets. Les solutions détaillées ci-après concernent les chaudières deux piquages.
Les prérequis pour que la chaudière ne passe pas systématiquement en mode ECS
Utiliser un ballon conséquent
La méthode de dimensionnement actuelle autorise une infinité de couples volume-puissance pour satisfaire le besoin en ECS. On parle de production instantanée, semi-instantanée, semi-accumulée. Dans ces configurations, plus le volume de stockage est important, plus la puissance de chaudière à mettre en oeuvre est faible. L’énergie contenue dans le ballon a la capacité de combattre les pertes de bouclage sans que la chaudière ait à se remettre en route. Un gros ballon de stockage gère donc pendant un certain temps les pertes de bouclage. Mais alors, quelle taille donner à ce ballon ?
Notons également qu’un gros ballon secondaire permet de stocker de l’eau froide en bas de ballon par les micropuisages.
Enfin, un ballon est mieux isolé qu’une chaudière. Il est donc préférable de jouer sur le stockage plutôt que sur la puissance.
Mettre en place un mitigeur général en chaufferie
Parfois critiqué, ce mitigeur apporte cependant deux avantages à l’installation : Il autorise un choc thermique dans le ballon en cas de besoin, sans risque de brûlure pour les habitants, et il absorbe une bonne partie du débit de bouclage qui revient vers la chaufferie. Dans le cas d’un bouclage revenant à 51 °C avec un stockage à 60 °C, c’est 56 % du débit revenant vers la chaufferie qui repart directement dans le mitigeur si la distribution est à 55 °C. Cette variante n’est bien sûr possible qu’en stockage secondaire (stockage d’eau chaude sanitaire).
Piloter le mode ECS avec deux sondes dans le ballon et stocker la pointe 10 minutes
La première sonde est située « en partie haute » du ballon, pour mettre en route le mode ECS, la seconde en bas de ballon pour stopper le mode ECS quand cette sonde identifie 60 °C. Ces deux sondes permettent de charger le ballon sur tout son volume.
On peut penser que si on laisse le ballon dériver en température, il n’aura plus la capacité de couvrir la pointe 10 minutes si celle-ci survient une fois notre ballon épuisé par les pertes de bouclage… Pour supprimer ce risque, la pointe 10 minutes est stockée. Elle sera ainsi disponible indépendamment de la dérive en température du ballon. La première sonde, qui déclenche le mode ECS, se situera donc sous ce volume 10 minutes.
Définir une taille de ballon de manière à ce que la chaudière ne s’enclenche pas pendant une ou deux heures
Nous parlons ici du volume situé entre les deux sondes. Pour permettre cette stratification dans le ballon, il est nécessaire que le bouclage revienne plutôt en partie basse de celui-ci.
En secondaire, ce volume correspond au volume de retour de boucle revenant vers le ballon (donc après le mitigeur général) en une ou deux heures.
Le ballon étant maintenant dimensionné pour gérer seul les pertes de bouclage pendant une ou deux heures, le concepteur devra veiller à ce que la chaudière ne mette pas trop de temps à réchauffer ce volume. Comme le volume de stockage est conséquent, la puissance du générateur donnée par la méthode de dimensionnement de l’ECS sera faible. La puissance du générateur risque même d’être dictée par ce temps que nous autorisons pour réchauffer le volume. 15 minutes pour un bouclage géré pendant une heure ou 30 minutes pour un stockage capable de gérer le bouclage pendant 2 h paraît un bon compromis. Nous ne parlons bien ici que du volume de stockage pour gérer le bouclage, et pas du volume entier du ballon.
Les modes d’optimisation possibles
Mettre en place des échangeurs qui permettent des retours froids
Par rapport au prix de l’échangeur, ajouter des plaques n’alourdit pas le coût d’investissement.
Autant donc dimensionner l’échangeur pour qu’il assure les températures les plus basses possibles vers la chaudière.
Pour veiller à ce que l’échangeur assure des températures les plus basses possibles vers la chaudière, il est nécessaire de préciser au fournisseur de l’échangeur que nous souhaitons une température de retour primaire de 20 °C (départ primaire à 70 °C) en production d’eau chaude sanitaire de 10 à 60 °C.
Utiliser des pompes à débit variable sur les échangeurs
Pour assurer des retours les plus froids possibles, beaucoup de constructeurs utilisent des circulateurs à débit variable autour de leurs échangeurs.
Ils les positionnent côté secondaire de l’échangeur, afin d’ajuster leur débit pour obtenir une température minimale de 60 °C en sortie d’échangeur. Si le fond du ballon est froid grâce aux micropuisages, le circulateur ajuste son débit pour chauffer l’eau de 10 à 60 °C en un seul passage, assurant ainsi un retour froid vers la chaudière. Ils peuvent aussi les positionner côté primaire, suivant deux alternatives.
Première alternative
Pour piloter directement la température d’eau chaude. Le circulateur ajuste le débit venant de la chaudière ou du ballon primaire pour obtenir 55° C d’eau chaude sanitaire en sortie d’échangeur.
Deuxième alternative
Pour piloter un gros ΔT sur l’échangeur via deux sondes.
Dans ce cas, le circulateur adapte son débit avec pour consigne de maintenir un ΔT donné.
Si les générateurs ne peuvent pas travailler avec des ΔT aussi conséquents, plusieurs solutions sont possibles
1. Faire revenir l’eau chaude sanitaire en milieu de ballon, et non en haut comme il est usuel, de manière à autoriser deux passages dans l’échangeur. Le premier passage élève l’eau chaude sanitaire de 10 à 35 °C, et le second de
35 à 60 °C.
2. Utiliser un second générateur monté en dérivation par rapport au premier. Le premier générateur pouvant facilement assurer une montée en température de 20 à 45 °C, et le second de
45 à 70 °C.
Deux variantes sont également possibles :
3. Mettre en place un stockage primaire où les débits sont orientés en fonction des températures détectées.
En phase de soutirage d’eau chaude, l’échangeur est capable d’assurer un retour vers le ballon de 20 °C, donc la vanne 3 voies notée A oriente le débit en bas de ballon (position 1). En revanche, si l’échangeur est en train de combattre les pertes de bouclage avec une température qui revient du réseau autour de 51 °C, la vanne A oriente le débit en position 2 afin de stratifier les températures dans le ballon.
De même, côté primaire, si la chaudière est capable d’assurer un ΔT suffisant, la vanne 3 voies (notée B) oriente le débit en position 4. En revanche, si le ΔT est trop faible, le débit est orienté en position 3. Les chaudiéristes commencent à proposer ce genre de solutions pour optimiser la production d’eau chaude sanitaire.
Et avec une chaudière 3 piquages ?
Les chaudières 3 piquages restent bien sûr dans la course. Toutefois, avec la mise en place de l’échangeur qui permet des retours à 20 °C, le circuit froid ne sera plus forcément le circuit de chauffage. Là encore, la mise en place de vannes 3 voies pour orienter les débits vers la bonne partie de l’échangeur pourra s’avérer utile.
En production d’ECS, le retour vers la chaudière est à 20 °C. Il est donc orienté vers le condenseur de la chaudière (sens 4), alors que le retour chauffage est orienté en partie haute de l’échangeur (voie 1). À l’inverse, si la chaudière se met en route pour compenser les pertes de bouclage et que, dans le même temps, les retours chauffage sont moins élevés, ces derniers partent vers le condenseur (voie 2), alors que les retours ECS partent vers la voie 3.