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Dossier Technique

Chaufferies tertiaires, petits réglages mais grands effets

Mis à jour le
4.7/5 (15 avis)

L’entreprise Walterre se définit comme un « assistant à la maîtrise d’exploitation » des systèmes énergétiques. Forte d’une centaine de missions réalisées au cours de ces 4 dernières années, son expérience prouve qu’il est en général possible dans le tertiaire de gagner au minimum 10 points de rendement sur une installation sans aucuns travaux, par de simples réglages, et souvent beaucoup plus en intervenant a minima. Illustration à l’EHPAD la Bartavelle de Meythet, en Haute-Savoie.

      Si tout se passait normalement dans les chaufferies, notre métier ne devrait pas exister
Tony LEROY
Président de Walterre

« Si tout se passait normalement dans les chaufferies, notre métier ne devrait pas exister, lance Tony Leroy, président de Walterre, entreprise lyonnaise d’assistance à la maîtrise d’exploitation (AMEx) des systèmes énergétiques créée en 2019. Or notre effectif est passé de 2 à 15 personnes en l’espace de 4 ans, au point que nous visons à présent un développement national : c’est la preuve que ce nouveau métier répond à un véritable besoin de la part des maîtres d’ouvrage! » Selon lui, ce besoin résulte en grande partie de l’absence d’obligation d’un contrôle d’efficacité par des organismes tiers indépendants dans les chaufferies. En pratique, débordés de travail, les exploitants laissent les dérives s’emparer des systèmes placés sous leur surveillance, et sont handicapés par un surdimensionnement souvent rencontré. « En admettant que les chaufferies fonctionnent correctement à leur réception – ce qui n’est en réalité pas toujours le cas –, les premiers dysfonctionnements apparaissent rapidement, faute d’accompagnement par le BET, de suivi des performances et parce que la maintenance est insuffisante, souvent en raison d’un cahier des charges inadapté ou d’une incompétence technique. » D’où le rôle déterminant de l’AMEx.

Jusqu’à 12% à 20% d’économies sans investissement

À la fois bureau de contrôle, BET et technicien metteur au point, mais sans exercer intégralement aucun de ces trois métiers, l’AMEx est un AMO spécialisé dans l’optimisation énergétique. Walterre a ainsi développé une méthodologie d’expertise dont on retrouve la quintessence dans le progiciel WaltApp®. « Cet outil nous permet de générer des diagnostics de performance chauffage (DPC) rédigés sous la forme de deux rapports : l’un de nature technique qui guide l’exploitant dans la démarche de progrès à suivre à court/moyen/long terme; et l’autre de nature financière, plus particulièrement destiné au maître d’ouvrage. » Des prestations facturées 1500 euros en moyenne pour l’état des lieux technique d’un bâtiment tertiaire de 1000 m2 , auxquels s’ajoutent 300 euros à 1 000 euros par an pour l’assistance. « Celle-ci intègre la mise au point avec l’exploitant et le suivi des consommations énergétiques. Et, comme tout cela s’inscrit dans une logique gagnant-gagnant, nous sommes intéressés aux résultats, à savoir que nous prélevons un tiers des économies réalisées, du moins jusqu’à un certain plafond. »

En ce qui concerne les résultats, le président de Walerre affirme qu’il est en général facile d’obtenir 12% d’économies à confort égal – voire plus de 20% en travaillant sur la maîtrise d’usage – avec de simples réglages (reprise de régulations, suppression de ballons tampons inutiles, bridage de brûleurs, ajustement de températures...). « Pour dépasser 40 %, sans doute faut-il reconsidérer l’isolation, mettre en place ou renforcer les énergies renouvelables, rendre le bâtiment intelligent… Bref : investir, reconnaît Tony Leroy. Mais la première des choses à faire pour économiser l’énergie sera toujours d’optimiser l’existant! »

 

Non-conformités et dysfonctionnements

Sur une centaine de chaufferies suivies par Walterre, la plupart d’entre elles présentaient des anomalies plus ou moins sérieuses :
- 90% de régulations mal paramétrées ou mal raccordées
- 70% de réglages de combustion non optimisés
- 65% de régimes primaires trop élevés d’au moins 5°C
- 45% de productions d’ECS pouvant être abaissées d’au moins 2 °C N

 

Une chaufferie d’EHPAD plus économe de 21% avec un simple tournevis

Situé sur la commune de Meythet (agglomération d’Annecy, Haute-Savoie), l’EHPAD la Bartavelle (80 lits, 5114 m2 chauffés) a été inauguré fin 2010. « L’ouvrage est représentatif de cette génération de bâtiments bien isolés pour lesquels la recherche d’optimisations énergétiques peut directement être orientée vers les systèmes », commente Nicolas Dumaz, responsable technique chez Walterre. De fait, un diagnostic de performance chaufferie réalisé par l’entreprise, a rapidement confirmé le fort potentiel d’économies réalisables sur le chauffage et l’eau chaude sanitaire, en raison notamment du surdimensionnement flagrant de l’ensemble du dispositif : « Alimentée en bois, la plus puissante des trois chaudières en place n’a jamais fonctionné, sans que personne ne semble s’en inquiéter… Malheureusement, même à l’arrêt, du fait d’une mauvaise conception hydraulique, cette chaudière bois est source de pertes thermiques au niveau de deux ballons tampons de 5000 l inutilement maintenus en température par les deux autres chaudières gaz en service. » Même laisser-aller sur l’installation solaire thermique qui devait assurer « gratuitement » 40% de la production d’eau chaude sanitaire (représentant elle-même la moitié de la consommation énergétique de l’établissement). « On a enregistré une certaine production solaire au début, et puis tout s’est arrêté faute d’une maintenance appropriée, comme c’est hélas trop souvent le cas. »

Deux des trois chaudières étaient opérationnelles

Concrètement, ce sont donc les deux chaudières gaz basse température de marque Viessmann (380 kW chacune) qui couvrent l’intégralité des besoins thermiques (chauffage + ECS) de l’EHPAD. Mais là encore avec nombre de dysfonctionnements. « Non seulement leurs 760 kW cumulés dépassent largement les besoins, mais ces chaudières étaient mal réglées en température, avec en outre une mise en cascade défectueuse, des consignes excessives à tous les niveaux, des circulateurs en surrégime… » Après ce diagnostic, la phase de mise au point (une journée de travail pour deux personnes, voir photos ci-contre) a été réalisée par Walterre en présence de l’exploitant. À la clé, une économie de gaz de 21% (– 173000 kWh/an) par rapport aux 825000 kWh/an consommés jusque-là. « Nous n’avons pas forcément vocation à effectuer nous-mêmes les réglages, mais l’expérience montre que les chauffagistes disposent rarement du temps nécessaire pour les optimisations énergétiques. » Facturée environ 2000 euros, l’intervention de Walterre a finalement fait économiser 17000 euros par an (au tarif de 0,10 euro/kWh payé en 2023) à l’établissement. « Trois autres EHPAD du Grand Annecy ont ainsi été expertisés, avec à chaque fois des corrections significatives, précise le responsable technique. Si bien que le maître d’ouvrage a décidé d’élargir le dispositif à une trentaine d’autres bâtiments dans le but d’économiser 15% d’énergie sur l’ensemble, avec un retour sur investissement espéré dès la première saison de chauffe. »

D’autres économies avec des travaux légers

S’agissant de l’EHPAD la Bartavelle, d’autres actions – engageant cette fois-ci quelques travaux – pourraient encore améliorer le niveau d’efficacité énergétique et le hisser au-delà des 40% d’économies(1) exigés pour ce type de bâtiments d’ici à 2030 par le décret tertiaire. « Parmi celles-ci, il y a d’abord l’arrêt de l’irrigation de la deuxième chaudière gaz, puisqu’il en suffit d’une pour subvenir aux besoins, rappelle Nicolas Dumaz. D’un coût d’environ 2500 euros, cette opération ferait économiser 12500 kWh chaque année, soit 1,5% de la consommation de référence, et serait rentabilisée en 2 ans ». Il y a ensuite le montage d’un by-pass sur les ballons de stockage de la chaudière bois, dérivation pouvant faire gagner 4 % supplémentaires pour un investissement de 10 000 euros (temps de retour de 3 à 4 ans). Plus coûteuse, puisqu’on parle en l’occurrence de 20000 euros de travaux, la remise en état de l’installation solaire thermique générerait quant à elle une économie de 20% sur la consommation totale, avec un temps de retour d’à peine plus d’un an. On arriverait ainsi à 46,5% d’économies, sans gros travaux. Pour aller encore plus loin sans toucher au bâti, le responsable technique évoque de futures actions à mener sur l’équilibrage hydraulique et sur la ventilation, mais surtout le passage à la condensation, voire à l’hybridation avec le remplacement de l’actuel groupe d’eau glacée par une PAC réversible.

(1) Puis 50% d’ici à 2040, et 60% d’ici à 2050.

 

À RETENIR
- Dans le cadre d’un projet d’amélioration ou de rénovation énergétique, l’assistant à la maîtrise d’exploitation (AMEx) réalise une expertise sur les installations existantes et propose un plan d’actions tenant compte des temps de retour sur investissement.
- En règle générale, 12% à 20% d’économies – à confort égal – sont à portée de main, moyennant de simples réglages ou de petites réparations.
- Ces optimisations sans travaux pourront souvent constituer une première étape pour l’atteinte des objectifs définis dans le décret no 2019-771 du 23 juillet 2019 (dit décret tertiaire). 

Actions

ACTION 1 - Diminution de la puissance des brûleurs

Photos (1) (2)

Gain énergétique : 6%.

  • Le problème : sans même parler de la chaudière bois inopérante de 400 kW, les quelque 700 kW produits par l’association des deux chaudières gaz dépassent largement les besoins thermiques du bâtiment. De plus, ces deux chaudières fonctionnaient au départ simultanément du fait d’une mise en cascade dysfonctionnelle (problème lui aussi réglé par Walterre, lire « ACTION 3 »). Conséquence : des cycles de fonctionnement trop courts (à peine quelques minutes), au détriment non seulement de la consommation, mais aussi de la fiabilité.
  • La solution : en réglant la puissance des brûleurs à la limite basse acceptable par les chaudières, les temps de cycles ont pu être repoussés au-delà d’une heure. Cette diminution de puissance, de l’ordre de 30%, a été réalisée d’une part en réduisant le débit au niveau du bloc gaz (1) et d’autre part en ajustant le volet d’air comburant (2) .
Diminution de la puissance des brûleurs
Diminution de la puissance des brûleurs
Diminution de la puissance des brûleurs
Diminution de la puissance des brûleurs - 2
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ACTION 2 – Abaissement de la consigne de température de la chaudière

Photo (3)

Gain énergétique : 4%.

  • Le problème : par convention, beaucoup de chaudières basse température comme celles de l’EHPAD Bartavelle sont maintenues aux alentours des 80 °C par les exploitants. Une habitude énergivore, puisqu’une température aussi élevée n’est nullement nécessaire au bon fonctionnement des panoplies de chauffage et d’ECS.
  • La solution : il est préférable de ramener la consigne de production en sortie de chaudière (c’est-à-dire au primaire de l’échangeur) à 65 °C. Menée avec précautions, cette opération n’entraîne pas de risque particulier de condensation dans le foyer.
Abaissement de la consigne de température  de la chaudièr
Abaissement de la consigne de température de la chaudière

ACTION 3 – Mise en route du mode cascade pour les chaudières

Photos (4) (5)

Gain énergétique : 2%.

  • Le problème : depuis l’origine, au lieu d’opérer en cascade hiérarchique avec une chaudière prioritaire et l’autre fonctionnant en appoint, les deux équipements ne fonctionnaient que simultanément, avec par conséquent deux fois plus de déperditions thermiques permanentes que la normale.
  • La solution : dû à une erreur de montage de la vanne deux voies (V2V), ce dysfonctionnement a été résolu en inversant le câblage électrique de cet organe (4) et en modifiant son sens d’ouverture (5).
Mise en route du mode cascade pour les chaudières - 1
Mise en route du mode cascade pour les chaudières
Mise en route du mode cascade pour les chaudières - 2
Mise en route du mode cascade pour les chaudières
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ACTION 4 – Abaissement de la consigne de température d’ECS

Photo (6)

Gain énergétique : 3%.

  • Le problème : initialement fixée à 65 °C, la température de départ de l’ECS était de la sorte 10 °C au-dessus du compromis souhaitable entre le service attendu et les pertes de chaleur acceptables dans l’échangeur et les tuyauteries.
  • La solution : un simple réglage au niveau de la régulation du préparateur a fait passer la consigne ECS de 65 °C à 55 °C (6) .
Abaissement de la consigne de température  d’ECS
Abaissement de la consigne de température d’ECS

ACTION 5 – Amélioration des consignes de température des départs de chauffage

Photo (7)

Gain énergétique : 5%.

  • Le problème : compte tenu de la qualité thermique du bâti, le réglage à 1,65 de la pente de chauffage a été jugé exagéré par les techniciens de Walterre.
  • La solution : cette pente a été revue à la baisse pour atteindre 1,46 (dans un premier temps), sans altération notable du confort des occupants.
Amélioration des consignes de température des départs de chauffage
Amélioration des consignes de température des départs de chauffage

ACTION 6 – Amélioration du réglage des circulateurs

Photos (8) (9) (10)

Gain énergétique : 1%.

  • Le problème : le réglage « à fond » de la plupart des circulateurs ne permettait pas l’obtention de bons rendements hydrauliques, favorisait les déperditions thermiques dans les réseaux et réduisait la durée de vie des moteurs.
  • La solution : l’optimisation du réglage des circulateurs (8) passe notamment par un abaissement de la consigne de température de bouclage de l’ECS de 60 °C à 52 °C (9) , c’est-à-dire 2 °C au-dessus de la limite basse réglementaire. Ce nouveau paramétrage optimise le fonctionnement de l’installation et réduit la consommation électrique des moteurs (10).
Amélioration du réglage des circulateurs -1
Amélioration du réglage des circulateurs
Amélioration du réglage des circulateurs - 2
Amélioration du réglage des circulateurs
Amélioration du réglage des circulateurs - 3
Amélioration du réglage des circulateurs
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MA NOTE