Vous installez des pompes à chaleur hybrides en maison individuelle depuis plus de dix ans. Quel regard portez-vous sur ce marché?
— Pascal Housset : La PAC hybride est un marché en émergence (4 000 à 5 000 unités vendues). Ce produit reste méconnu, malgré son fort potentiel. L’offre existe mais il faut communiquer davantage vers le grand public pour générer la demande. Cette solution s’installe déjà largement chez nos voisins européens. L’Italie en a ainsi installé 50 000 l’année dernière. Quant aux Pays-Bas, après avoir poussé une approche 100 % électrique en 2018, ils ont annoncé en 2022 que les PAC hybrides gaz deviendront la norme pour le chauffage des maisons à partir de 2026.
Quels avantages à choisir une PAC hybride pour vos clients?
— P.H. : La PAC hybride gaz, c’est le meilleur des deux mondes ! En rénovation, elle a la capacité de maintenir des régimes d’eau élevés pour alimenter des radiateurs. La chaudière gaz assure le chauffage et l’eau chaude sanitaire par grand froid et peut aussi faire de l’effacement électrique. Cela donne un système parfaitement équilibré qui va dans le sens du confort des usagers. Le coût est aussi compétitif par rapport à une PAC électrique double service. Par ailleurs, le matériel est, dans sa grande majorité, fabriqué en France ou en Europe. C’est à souligner en termes de bilan carbone. Enfin, l’encombrement est réduit. On trouve déjà une gamme de PAC hybrides murales, idéales en remplacement de chaudières. Les groupes extérieurs sont par ailleurs de petite taille, faciles à positionner et très silencieux. Le compresseur est moins sollicité à pleine charge en période hivernale.
La PAC hybride vous permet-elle de répondre aux besoins de vos clients en rénovation ?
— P.H. : Les possibilités de développement sont importantes en rénovation sur le marché de la maison individuelle. La PAC hybride gaz peut ainsi remplacer d’anciennes chaudières, pour décarboner et réduire les seuils de rejets de CO2.
La filière est-elle prête à installer et maintenir ces équipements?
— P.H. : Nous sommes déjà en capacité d’installer au moins 10 fois plus de PAC hybrides! Et la filière va bien sûr continuer à monter en puissance et former des techniciens. Sous l’impulsion de la révision du règlement F-Gaz et des fabricants, les PAC – dont les PAC hybrides – vont évoluer vers des équipements monoblocs, avec des fluides frigorigènes type propane et en liaison hydraulique, davantage adaptés aux chauffagistes. Cela va lever la réticence de certains professionnels à aller sur ces produits, qui n’auront plus à intervenir sur le circuit frigorifique. Nul doute que cette évolution va contribuer à l’accélération et à la massification des PAC hybrides gaz.
Vous sentez-vous soutenus par les décisions politiques?
— P. H. : La volonté du législateur est de sortir progressivement le gaz fossile du bâtiment. Mais on ne pourra pas le faire comme pour le fioul. Le parc représente plus de 9 millions de chaudières gaz dans le résidentiel. Nous savons qu’il faut décarboner les bâtiments et il ne s’agit pas de mettre des PAC hybrides dans tous les logements. C’est techniquement plus complexe et pas toujours faisable en appartement mais c’est une solution très intéressante en maison individuelle. Par ailleurs, comme c’est le cas pour les chaudières, la PAC hybride est compatible avec les gaz verts. On peut ainsi faire de l’effacement électrique en utilisant un gaz renouvelable. Ce système double EnR (PAC et gaz vert) présente tous les atouts pour décarboner de bonne manière. Mais, malgré nos propositions et justifications par des études sérieuses, nous n’avons, pour l’instant, aucun écho des pouvoirs publics allant en ce sens. Les pouvoirs publics continuent de prôner le tout-électrique alors qu’on sait que cela ne passe pas
Vous intervenez principalement dans le tertiaire. Que change la RE2020?
— Jean-Pascal Roche : La RE2020, en introduisant la notion de carbone, change nos habitudes de travail dans le sens où certains maîtres d’ouvrage ne veulent plus entendre parler de gaz. La réglementation nous pousse vers le tout-électrique. J’essaie, pour ma part, de résister car le tout-électrique me fait peur. Je suis convaincu que ce n’est pas une solution viable à long terme et qu’on va en revenir.
Et en rénovation?
— J.-P. R. : Nous n’avons pas cette contrainte réglementaire mais le discours a infusé et les demandes de PAC sont nombreuses. Nous avons heureusement des arguments en faveur du gaz ou de l’hybridation!
Sur quels éléments vous appuyez-vous pour préconiser des PAC hybrides collectives ?
— J.-P.R. : C’est une solution que nous essayons de pousser, dans le neuf comme en rénovation. Tout dépend des besoins. Les solutions hybrides gaz sont très intéressantes lorsque les besoins en eau chaude sont importants. Il est très facile de produire de l’eau à haute température avec du gaz. Le coût d’investissement est plus élevé pour une PAC tout électrique, tout comme le coût d’entretien, qui n’est pas suffisamment pris en compte.
Les solutions hybrides gaz sont également intéressantes quand les besoins de chaleur sont supérieurs aux besoins de froid. Par rapport à une PAC tout électrique, la solution hybride permet de diviser au moins par deux la puissance de la PAC.
Cela permet de couvrir environ 80 % des besoins en consommation. On réduit ainsi sensiblement le coût d’investissement tout en décarbonant fortement. La chaudière n’est utilisée que pour les pointes de puissance et, éventuellement, en secours.
Comment voyez-vous l’avenir de cette solution?
— J.-P R. : Les solutions hybrides ne sont pas assez connues de nos clients. C’est à nous, bureaux d’études, de faire comprendre leur intérêt. L’offre des fabricants est là. Il y a des solutions packagées pour les petites installations. Pour les plus grosses installations, nous composons des solutions avec les PAC et chaudières du marché, dont le bon fonctionnement repose sur le schéma hydraulique et la régulation.
Quelles sont vos attentes concernant le gaz vert ?
— J.-P R. : Le gaz vert n’est pas valorisé dans la RE2020. Il faudrait que cela évolue à hauteur du taux de gaz vert introduit dans le réseau. Ce n’est qu’une décision politique. Je ne comprends pas que l’on n’avance pas sur ce sujet-là. Car à terme, nous n’aurons pas les infrastructures électriques en termes de production et de distribution pour couvrir 100% des besoins dans le bâtiment.
Pascal Housset
gérant de l’entreprise de génie climatique Realitherm et président de l’UMGCCP-FFB.
Jean-Pascal ROCHE
directeur associé chargé d’affaires thermiques du BET Adret et président de l’association ICO (1)
La PAC hybride constitue une solution éprouvée mais qui reste méconnue. Ses atouts sont pourtant nombreux :
- confort garanti par grand froid;
- régime de température d’eau élevé capable d’alimenter des radiateurs en rénovation, production d’eau à haute température pour les besoins sanitaires;
- coût d’investissement limité par la moindre puissance électrique installée;
- implantation facilitée. Compatibles avec les gaz verts, ces solutions hybrides gaz contribuent également à soulager le réseau électrique.
(1)Créée en 1991, l’association ICO a pour objectif principal de faire progresser les idées et techniques permettant d’améliorer les performances énergétiques et environnementales des bâtiments et des équipements techniques, auprès de tous les acteurs du bâtiment.