Comment massifier la rénovation avec EnergieSprong ?

À quels enjeux répond la démarche EnergieSprong et quel est son potentiel ?

Laura Guignard : Force est de constater que les logements de 2050 sont déjà en grande majorité bâtis. En moyenne, 400 000 logements sont construits chaque année sur un parc de 37 millions de logements : les calculs sont vite faits. L’enjeu auquel répond EnergieSprong est que ces bâtiments vieillissants, inconfortables et pour certains classés comme passoires énergétiques puissent être transformés en bâtiments durables, confortables et ultraperformants d’un point de vue énergétique, offrant ainsi une protection durable pour les occupants contre la hausse des prix de l’énergie et la précarité énergétique. Avec Pouget Consultants, nous avons estimé le potentiel à 9,5 millions de logements, auxquels s’ajoutent 4,5 millions de logements « EnergieSprong compatibles(1) ».

Sur quoi repose la solution développée par EnergieSprong ?

L. G. : L’industrialisation pour provoquer un changement d’échelle ! Pour atteindre les objectifs nationaux en 2050, il faut accélérer le rythme de rénovation. Or, il n’y a pas assez de main-d’œuvre ni de disponibilité dans les agendas des entreprises pour réaliser autant de rénovations en s’appuyant uniquement sur les méthodes et moyens traditionnels. La préfabrication en usine d’un maximum d’éléments de façades, de toitures ou de modules énergie facilement duplicables a pour effet de réduire la durée des travaux sur site et les coûts.

Quels types de bâtiments peuvent entrer dans cette démarche ?

L. G. : EnergieSprong se déploie déjà sur le parc social, à la fois en logements individuels et en loge- ments collectifs. Nous la mettons également en œuvre sur des bâtiments d’enseignement, où elle répond aux enjeux de rénovation, de confort et de bien-être, tout en ayant un effet démonstrateur à l’échelle d’un quartier. À terme, nous envisageons de l’étendre à d’autres segments, tels que le logement privé et le tertiaire public et privé.

Comment intégrez-vous le biométhane dans les rénovations EnergieSprong ?

L. G. : Notre cahier des charges impose l’atteinte de E = 0 (2), vecteur par vecteur. Le choix des énergies renouvelables est du ressort des groupements d’entreprises répondant au marché. Lorsque le bâtiment est équipé d’une chaufferie récente, le biométhane local est tout à fait pertinent. Le maître d’ouvrage a alors 2 grandes options à sa disposition : investir dans un méthaniseur local ou opter pour l’achat de garanties d’origine de biométhane produit localement via le compte acheteur-non fournisseur (3). Si la production de gaz vert en France continue à se développer à bon rythme et fournit suffisamment de garanties d’origine pour couvrir les besoins, cette énergie renouvelable nous semble parfaitement adaptée.

Quels sont les enjeux spécifiques de la rénovation énergétique de l’OPAC de la Savoie ?

Olivier Eck : Notre patrimoine est composé de 22 000 logements, dont 17 000 en gestion, le reste étant composé de foyers de jeunes travailleurs, de résidences pour les saisonniers ou de foyers pour personnes âgées et d’EPHAD. Particularité : une forte proportion de nos bâtiments se situe en alti- tude, ce qui rend leur rénovation particulièrement complexe (pentes, conditions météorologiques, etc.). Le programme de réhabilitation porte sur 6 300 loge- ments pour les 10 à 12 années à venir, dans des conditions de chantier difficiles. En vallée, les travaux de réhabilitation sont plus faciles à conduire et la massification semble plus réaliste.

Pourquoi l’OPAC de la Savoie s’est-il engagé dans une opération EnergieSprong ? 

O. E. : Nous avons la volonté de participer active- ment au développement d’une filière de rénovation massive des bâtiments. C’est un enjeu primordial pour un bailleur social. Avec EnergieSprong, nous partageons ce besoin de tendre vers le zéro énergie en ayant recours aux énergies renouvelables et locales et de réduire les délais et les nuisances liées aux travaux. Nous avons eu l’opportunité d’expérimenter ce procédé sur 2 immeubles construits en 1967 sur la commune de Montmélian, Grésivaudan 1 et 2, qui comptent 99 logements. Nos objectifs sont très ambitieux en termes d’énergie, et les consommations seront équilibrées par les renouvelables – photovoltaïque en toiture pour les usages électriques et bio- méthane pour le chauffage et l’eau chaude sanitaire.

Pourquoi avoir choisi le biométhane pour cette opération ?

O. E. : Nous achetons du gaz vert en garanties d’origine depuis 2019, ce qui couvre 5 % des consom- mations de gaz du parc locatif. Concernant l’ensemble Grésivaudan, la chaufferie avait été rénovée il y a quelques années ; l’une des chaudières gaz était donc très récente. Économiquement, il aurait été absurde de la démanteler pour mettre des chaudières bois ! Le biométhane s’est donc imposé. Nous avons la possibilité de créer un compte acheteur-non fournisseur (3), ce qui nous permettra d’acheter dans la durée des garanties d’origine dont nous maîtriserons la provenance. La consultation a été lancée auprès de différents producteurs de biométhane de la région, et nous avons pris l’engagement moral de faire des consultations périodiques afin de nous fournir en bio- méthane au travers de garanties d’origine locale.

(1) Dans l’optique d’une industrialisation mais sans permettre d’atteindre les objectifs fixés par la démarche.
(2) Énergie = zéro. Les consommations résiduelles du bâtiment doivent être équilibrées par une production renouvelable locale.
(3) Nouveau système de gestion des garanties d’origine de biométhane qui permet à une personne morale ne disposant pas d’une autorisation de fourniture de gaz naturel d’acheter des garanties d’origine dans le but de les utiliser.