Les innovations relatives aux solutions gaz au sein des bâtiments ne pouvaient pas être prises en compte facilement par l’arrêté du 2 août 1977 modifié et nécessitaient, à chaque fois, une modification du texte réglementaire. Le nouvel arrêté du 23 février 2018, publié le 4 mars 2018 au Journal officiel, facilite l’intégration de ces innovations techniques. « Cet arrêté a été rédigé pour fixer les objectifs à atteindre [en matière de sécurité des installations], les restrictions, les obligations, les interdictions, mais pas les solutions », énumère Philippe Schönberg, président du Centre national d’expertise des professionnels du gaz (CNPG).
LA CHAUFFERIE, UN SPE PARMI D’AUTRES
Une des « vraies nouveautés » de l’arrêté du 23 février 2018 réside dans l’introduction d’une nouvelle définition, celle de site de production d’énergie (SPE). « Le texte de l’arrêté du 2 août 1977 était très rigide, dans le sens où il assimilait tous les sites de production d’énergie à une chaufferie, développe le président du CNPG. Par le fait, une chaudière de puissance supérieure à 70 kW devait obligatoirement être installée dans un local coupe-feu 2 heures. L’arrêté du 23 juin 1978 fixe quant à lui des exigences non modifiables – c’est un arrêté de moyens – adapté à des appareils de combustion produisant du chauffage et de l’ECS et raccordé à un conduit de fumées. Mais, depuis, les technologies ont évolué : les pompes à chaleur à absorption, cogénérations et autres piles à combustible ne fonctionnent pas selon les caractéristiques techniques imposées aux chaufferies... », souligne-t-il.
En introduisant les SPE, le nouvel arrêté ouvre le champ des possibles en établissant trois catégories :
- les « locaux de production d’énergie » (parmi lesquels les chaufferies, mais pas uniquement), obligatoirement situés à l’extérieur des parties privatives et accessibles par les parties communes ;
- les « aires de production d’énergie », qui renvoient aux appareils situés à l’extérieur des bâtiments, que ce soit au sol ou en terrasse (comme c’est le cas des PAC gaz absorption aujourd’hui et, demain, des chaudières par exemple) ;
- les « emplacements de production d’énergie », qui concerneront certains cas de figures différents des deux précédents (exemple : une chaudière placée en gaine technique).
Ce droit « quantique » proposé par le CNPG est une voie innovante entre droit dur et droit souple. Il repose sur deux piliers.
1. Des objectifs à atteindre en lieu et place d'obligations de moyens.
2. Des guides « modes de preuve » décrivant des solutions techniques permettant aux professionnels du gaz d'atteindre ces objectifs et, ainsi, de répondre aux exigences de la réglementation.
Autrement dit, l’atteinte de l’objectif reste obligatoire, mais le mode de preuve ne l’est plus. Si un industriel souhaite appliquer un mode de mise en oeuvre différent de celui décrit dans
le guide “mode de preuve” proposé par le CNPG, il peut le faire sous certaines conditions.
DES GUIDES TECHNIQUES ENRICHIS TOUS LES ANS
Ainsi, d’autres modes de production d’énergie pourront être pris en compte par la réglementation. Car, désormais, ce que n’interdit pas l’arrêté du 23 février 2018 est par principe autorisé, à la condition expresse que la solution technique envisagée soit validée par le ministère (c’est le fameux droit « quantique », voir encadré page 19).
Le CNPG a été reconnu par le ministère de la Transition écologique et solidaire (MTES) comme organisme compétent et représentatif pour rédiger les guides techniques incorporant et décrivant ces solutions innovantes. Au nombre de cinq (un guide général et quatre thématiques), ces guides sont en cours de rédaction et devront être soumis à l’administration pour validation, fin 2019. La mise en application est fixée au 1er janvier 2020.
De la sorte, bureaux d’études et entreprises peuvent proposer de nouvelles techniques pour le raccordement des bâtiments au réseau public de distribution de gaz naturel. En effet, certains cas de figure ne peuvent pas être encadrés par l’ancienne réglementation, à l’instar de programmes d’habitat collectif
RT 2012 qui ne prévoient pas de parties communes (pourtant nécessaires au raccordement). Le gestionnaire de réseau de distribution pourra s’appuyer sur les conclusions de groupes de travail idoines mis en place par le CNPG pour valider – ou non – des solutions innovantes. Dans l’affirmative, celles-ci viendront, avec l’assentiment des pouvoirs publics, enrichir les guides techniques.
Cette incorporation de l’innovation sera d’autant plus facilitée que le principe d’une révision annuelle des guides a été acté. « Nous avons convenu avec le gouvernement que chaque 1er juillet, il sera possible d’examiner d’éventuelles modifications. Les porteurs de solutions innovantes savent désormais que des modifications pourront être ajoutées à cette date », conclut Philippe Schönberg.