L’individualisation des frais de chauffage fait débat

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L’individualisation (ou répartition) des frais de chauffage (IFC) vise à encourager les gestionnaires à maîtriser leur consommation. L’arrêté du 6 septembre 2019* encadre l’installation de compteurs individuels thermiques (CET) ou de répartiteurs de frais de chauffage (RFC). Le Syndicat de la mesure, qui réunit les professionnels chargés de mettre en place ces appareils, applaudit. L’Association des responsables de copropriété (ARC) est plus réservée.

Quelle a été la contribution du Syndicat de la mesure à l’arrêté du 6 septembre 2019 ?

— Laurent Sireix : Nous avons été invités, comme tous les acteurs de la filière, à la présentation de ce texte par le gouvernement. Cet arrêté fait suite à une étude coordonnée par l’Ademe. Nous avons transmis, comme d’autres, les consommations de certains immeubles gérés par nos clients, trois ans avant, puis après la mise en place d’une IFC. L’Ademe souhaitait ainsi déterminer l’impact réel sur les économies de chauffage de l’immeuble. L’échantillonnage a été réalisé sur plus de 130 immeubles (environ 4 000 logements).

Comment le gain énergétique de 15 % a-t-il été fixé ?

— L. S. : Cette étude a montré une économie moyenne de 17 %. L’Ademe a aussi pris en compte les 25 études internationales sur le sujet. Elle a finalement retenu le seuil de 15 %, suffisamment solide pour ne pas être attaquable.

Comment ont été pris en compte les travaux annexes d’amélioration énergétique ?

— L. S. : L’Ademe a demandé à connaître très précisément la nature et la date des travaux éventuels sur les immeubles de l’étude. Les données ont été traitées et leur impact réel analysé. L’économie de 15 % en tient compte.

Qu’intègre précisément la formule du calcul de rentabilité ?

— L. S. : Le calcul du seuil de rentabilité de 80 kWh/m2.an (chauffage seul), au-delà duquel l’individualisation des frais de chauffage, détaillée dans l’étude Ademe est obligatoire, prend en compte l’ensemble des coûts. La formule de l’arrêté, quant à elle, sert à déterminer quel type d’appareil doit être installé et aussi à faire rempart contre des prix plus élevés que ceux pris en compte dans l’étude Ademe. Elle intègre la location, l’installation et l’entretien des CET ou des RFC sur dix ans et l’installation de robinets thermostatiques lorsqu’ils ne sont pas en place. En revanche, le désembouage et l’équilibrage des installations n’en font pas partie car l’Ademe estime qu’il s’agit là d’opérations de maintenance normales.

Quelle solution de métrologie préconisez-vous entre CET et RFC ?

— L. S. : Le texte de loi est bien fait et préconise les CET, d’abord, et en particulier dans le cas d’une distribution horizontale, et les RFC dans le cas d’une distribution verticale.

Les RFC sont-ils aussi fiables que les CET ?

— L. S. : Il s’agit de la solution métrologique la plus diffusée en Europe, avec 150 millions de produits installés. Ce qui compte est la manière dont les équipements sont installés et paramétrés. Les professionnels que je représente sont formés pour cela. Certains, comme l’expert du DENA (équivalent allemand de l’Ademe) rencontré dans le cadre de l’étude, estiment même que les RFC sont plus intéressants d’un point de vue comportemental car ils apportent une information précise sur chacun des radiateurs.

Votre association a adressé aux pouvoirs publics un recours gracieux pour demander la rectification de l’arrêté du 6 septembre 2019. Pourquoi ?

— Claude Pouey : Nous sommes favorables à la mise en place des CET, mais leur installation n’est possible que dans le cas d’une boucle de chauffage horizontale, ce qui est assez rare dans les copropriétés. Il est alors nécessaire d’installer des RFC. Nous avons fait faire une étude par Enertech qui montre que ces produits ne sont pas fiables, ni même rentables. Nous militons aussi pour que les étiquettes chauffage A à C (jusqu’à 120 kWh/m2.an) soient exclues de l’obligation d’individualisation des frais de chauffage.

Vous êtes aussi en désaccord avec la base du gain énergétique fixé à 15 % par l’arrêté.

— C. P. : Cette valeur utilisée pour le calcul de rentabilité est une valeur médiane. L’échantillon de copropriétés réuni par l‘Ademe montre des écarts de 9 % à 24 % ! Par ailleurs, tous les travaux annexes qui génèrent des économies d’énergie – isolation des terrasses, ravalement thermique des façades, remplacement des fenêtres, etc. – n’ont pas été pris en compte. Dire que les RFC sont à l’origine de toutes les économies n’est pas correct. Ensuite, la formule de calcul ne tient pas compte de tous les travaux dans les charges, notamment le désembouage et l’équilibrage des réseaux. Le calcul est faussé et il faudrait intégrer tous les coûts attachés à la mise en place des CET ou des RFC.

Revenons aux RFC. Que leur reprochez-vous précisément ?

— C. P. : Il existe des astuces pour arranger et adapter la relève réelle. La maintenance de ces appareils est également problématique. Il est déjà diffi cile de gérer un compteur d’eau par logement, alors autant de RFC que de radiateurs… Et si un RFC se met à mal fonctionner, qui va le détecter et se déplacer pour un appareil qui coûte quelques euros ? Le CET nous semble une bien meilleure solution. D’autres solutions émergent, comme les robinets thermostatiques connectés. Il serait intéressant de regarder de ce côté.

* En application du décret du 22 mai 2019.

A RETENIR

- L’obligation d’individualiser les frais de chauffage concerne tous les immeubles à usage d’habitation ou à usage professionnel et d’habitation équipés d’un chauffage collectif et ayant une consommation de chauffage supérieure ou égale à 80 kWh/m2SHAB.an. Elle implique la présence de robinets thermostatiques et le bon entretien et le réglage du système de chauffage.

- Deux solutions existent :
 * les compteurs individuels d’énergie thermique (CET), placés à l’entrée de chaque logement et préconisés dans le cas d’une distribution horizontale ;
 * les répartiteurs de frais de chauffage (RFC), placés sur chaque radiateur.

- Leur installation doit être réalisée au plus tard le 20 octobre 2020, sauf à déterminer par le calcul leur absence de rentabilité ou une impossibilité technique.
Les RFC sont les appareils de mesure les plus diffusés en Europe. C’est une solution « métrologiquement certifiée » extrêmement compétitive.
Laurent SIREIX

Laurent SIREIX

Président du groupe Prestataires Eau & Énergie du Syndicat de la mesure

Un compteur de chaleur par logement reste gérable efficacement. Ce n’est pas le cas d’un répartiteur par radiateur.
Claude Pouey

Claude Pouey

directeur d’ARC Services

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