Pourquoi avoir intégré la démarche BIM ?
Clémence Guinin : Quand nous nous sommes lancés en 2010, nous avions l’intuition que ce processus allait bouleverser les façons de faire. Très vite, le BIM nous a fait gagner en qualité. Nous avons mené des projets pilotes jusqu’en 2014, puis systématisé la démarche et créé un poste de BIM manager.
Stéphane Bodin : Nous sommes passés au BIM en 2012. Nous recherchions un outil plus « intelligent » et moins chronophage qu’AutoCAD. Notre partenaire Bouygues avait aussi la volonté de développer le BIM. Nous l’avons suivi sur une grosse opération de 20 000 m2 à Bordeaux. Cette première expérience fut complexe, tant pour l’utilisation du logiciel que pour l’organisation du travail.
Concrètement, comment cela s’est-il passé ? Où en êtes-vous aujourd’hui ?
C. G. : Le passage au BIM s’est fait par étapes. La maîtrise du logiciel de modélisation a pris plusieurs années. Nous avons agrégé peu à peu des outils métiers, en fonction de la maturité de notre organisation ou des outils eux-mêmes. Tous nos projeteurs ont été formés au logiciel Revit, et l’ensemble de l’équipe à la méthodologie BIM. Car le BIM n’est pas qu’une affaire de logiciel, il s’agit avant tout d’une méthode de travail. Le plus difficile est de faire évoluer l’organisation de l’entreprise. Notre bureau d’études est pluridisciplinaire et a l’habitude du travail collaboratif. Cela nous a servi dans l’intégration de la démarche BIM.
S. B. : Nous avons fait le choix de former six collaborateurs sur Revit. Nous avons investi environ 35 000 euros et restructuré notre informatique pour accueillir ce matériel gourmand en mémoire de stockage. Depuis, nous avons réalisé l’équivalent de 400 000 à 500 000 m2 de plans BIM.
C. G. : Le coût de l’intégration de la démarche se chiffre en centaines de milliers d’euros pour une grosse structure comme la nôtre. Il reste à la charge de l’entreprise car il est malheureusement rare de vendre des missions supplémentaires quand on travaille en BIM.
Quels sont les impacts sur le traitement d’une affaire ?
C. G. : Depuis 2017, toutes les affaires sont traitées en BIM, au niveau 3 en interne et au niveau 2 avec nos partenaires. Architectes et entreprises ont accueilli assez favorablement notre démarche, et beaucoup se sont lancés. Les contrôleurs techniques se montrent curieux, mais les maîtres d’ouvrage restent attentistes.
S. B. : Selon notre expérience, seuls les maîtres d’ouvrage multisites manifestent une vraie volonté pour que la maîtrise d’oeuvre travaille en BIM. Ils voient plus loin que la phase de conception et s’intéressent à la gestion des bâtiments. Pour les architectes familiers d’Archicad, le BIM va de soi. Ceux qui travaillent avec un logiciel de CAO en 2D doivent se former. Le BIM est aussi compliqué pour les petites entreprises qui ont, en général, une faible culture des plans et des études d’exécution. Quant aux contrôleurs techniques, ils continuent à viser des plans papier…
Qu’attendez-vous du BIM pour l’avenir ?
C. G. : Nous aimerions passer en BIM de niveau 3 avec tous les intervenants. Nous l’avons déjà expérimenté avec des architectes. Cela va prendre encore du temps. Il reste aussi à convaincre les maîtres d’ouvrage de la force de cet outil pour l’exploitation du bâtiment.
S. B. : Le BIM va obliger la maîtrise d’oeuvre technique à s’engager davantage dans la phase d’exécution. On va aussi en venir à l’optimisation énergétique du bâtiment. La simulation thermique dynamique permettra de vérifier, avant construction, les consommations réelles d’un bâtiment, son confort thermique ou acoustique. Nous l’avons expérimentée, mais le manque de précision de la maquette numérique a compliqué les choses.